Afrique du Sud : le ministre des Finances tombe, victime du combat contre la corruption

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Par AFP - Le Cap
Publié le 09 octobre 2018 - 19:42
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Le nouveau ministre sud-africain des Finances Tito Mboweni le 24 août 1999. Il était alors gouverneur de la Banque centrale
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© STRINGER / AFP/Archives
Le nouveau ministre sud-africain des Finances Tito Mboweni le 24 août 1999. Il était alors gouverneur de la Banque centrale
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Le ministre sud-africain des Finances, Nhlanhla Nene, a démissionné mardi après sa mise en cause dans une enquête pour corruption, première victime de poids du combat engagé par le président Cyril Ramaphosa pour nettoyer le pays des scandales.

Après plusieurs jours d'incertitudes et sous forte pression politique, M. Ramaphosa a annoncé avoir accepté de se séparer de M. Nene, pourtant considéré comme un de ses proches.

Il "m'a fait parvenir ce matin une lettre de démission dans laquelle il me demande de le relever de ses fonctions (...) j'ai décidé d'accepter cette démission", a-t-il déclaré devant la presse au siège du Parlement au Cap (sud).

Cette démission intervient juste après l'annonce de l'ouverture d'une enquête administrative sur M. Nene, qui avait reconnu la semaine dernière s'être entretenu avec un trio de sulfureux hommes d'affaires proches de l'ex-président Jacob Zuma.

Ce témoignage "l'a détourné de son important devoir de servir le peuple d'Afrique du Sud au moment où nous travaillons précisément à rétablir la confiance du public envers son gouvernement", a justifié le chef de l'Etat.

Le ministre "n'a été directement impliqué dans aucun méfait" et a "toujours défendu la cause de la bonne gestion financière et de la gouvernance propre", a-t-il tenu à ajouter.

La démission du ministre des Finances constitue un revers politique pour le nouveau chef de l'Etat, qui s'est fait fort depuis son arrivée au pouvoir en février d'éradiquer la corruption et de relancer l'économie du pays.

- 'Travail difficile' -

"Il a traité le problème avec prudence", a commenté Kwandiwe Kondlo, professeur à l'université de Johannesburg. "Il marche sur un fil, obligé de préserver l'unité du parti, combattre la corruption et en même temps renforcer une économie fragile", a-t-il ajouté, "M. Ramaphosa a un travail très difficile".

Une première fois titulaire du portefeuille des Finances en 2014, M. Nene en a été écarté en 2015 par M. Zuma. Il l'a retrouvé il y a huit mois, nommé par M. Ramaphosa.

Les rumeurs allaient bon train au sujet de son avenir depuis son apparition devant une commission chargée de son pencher sur les nombreux scandales qui ont émaillé la fin du règne de M. Zuma (2009-2018).

L'ex-chef de l'Etat nie y être impliqué mais il a été contraint à la démission en février, poussé vers la sortie par son parti, le Congrès national africain (ANC).

La semaine dernière, le ministre a raconté à la commission qu'il avait été remercié par M. Zuma pour avoir refusé la signature d'un juteux contrat nucléaire favorable aux frères Gupta.

Lors de son témoignage, le ministre a également reconnu avoir rencontré les Gupta à leur domicile.

Mais il a catégoriquement nié les accusations d'un parti d'opposition, les Combattants pour la liberté économique (EFF, gauche radicale), qui l'accuse d'arrangements douteux avec le trio lorsqu'il était vice-ministre des Finances puis patron du fonds de pension des fonctionnaires (PIC).

Le lendemain, M. Nene a publié une lettre pour s'excuser de ces visites, concédant une "faute et une "erreur de jugement".

"Je vous dois, en tant que serviteur de l'Etat, une conduite irréprochable (...) Ces visites jettent un doute sur ma conduite. Je les regrette profondément et demande votre pardon", a-t-il écrit.

- Enquête -

Loin de calmer les critiques, son courrier n'a fait que relancer les accusations et les appels au départ du ministre.

Mardi à la mi-journée, le bureau de la médiatrice de la République, une institution administrative chargée de contrôler les pouvoirs publics en Afrique du Sud, lui a donné le coup de grâce en annonçant s'être saisie du cas de M. Nene.

"La médiatrice va enquêter sur les allégations de conduite frauduleuse qui visent le ministre des Finances", a déclaré à l'AFP sa porte-parole, Oupa Segalwe.

L'opposition s'est unanimement réjouie du départ de M. Nene et a appelé le président à poursuivre le nettoyage.

"Il a fait ce qu'il fallait", a écrit sur Twitter Mmusi Maimane, le chef de l'Alliance démocratique (DA), "c'est ce que beaucoup d'autres devraient faire à l'ANC et au gouvernement".

"Ramaphosa doit maintenant appliquer la même peine à tous les autres ministres (...) qui ont démontré le même mépris pour l'éthique", ont renchéri les EFF dans un communiqué.

Cyril Ramaphosa leur a répondu par anticipation en assurant que toutes les enquêtes en cours iraient jusqu'au bout. "Personne ne sera épargné", a-t-il martelé.

L'ancien gouverneur de la Banque centrale, Tito Mboweni, a été aussitôt nommé et investi pour succéder à M. Nene.

Les marchés financiers ont salué sa nomination. Chahutée depuis plusieurs jours, le rand sud-africain s'est raffermi en fin d'après-midi à 14,75 rands pour un dollar.

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