Brésil : malgré un programme flou, les investisseurs "votent" Bolsonaro

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Par Marc BURLEIGH - Rio de Janeiro (AFP)
Publié le 22 octobre 2018 - 09:21
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Des partisans de Jair Bolsonaro, candidat de l'extrême droite à la présidentielle, rassemblés à Sao Paulo, le 21 octobre 2018 au Brésil
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© NELSON ALMEIDA / AFP
Des partisans de Jair Bolsonaro, candidat de l'extrême droite à la présidentielle, rassemblés à Sao Paulo, le 21 octobre 2018 au Brésil
© NELSON ALMEIDA / AFP

Les investisseurs ont beau trouver encore flou le programme de privatisations du candidat Jair Bolsonaro, ils jugent ses engagements plus encourageants pour l'économie du Brésil que ceux de son adversaire de gauche à la présidentielle, Fernando Haddad.

La Bourse brésilienne a connu des hauts et des bas au fil des annonces du candidat d'extrême droite sur la façon dont il compte redresser la première économie d'Amérique latine, qui connaît une croissance anémique après deux années d'une récession historique (2015-16).

Pendant la campagne, il est parvenu à gagner la confiance des marchés grâce à son conseiller économique, l'ultra-libéral Paulo Guedes. Celui qui deviendrait un "super-ministre" de l'Économie si Bolsonaro était élu président dimanche a notamment promis de remettre en cause le traditionnel crédo protectionniste brésilien.

Mais les mesures envisagées par Paulo Guedes, qui veut privatiser à tour de bras pour réduire la dette, vont bien au-delà de ce que Jair Bolsonaro, défenseur du modèle étatiste pendant ses 27 ans de mandat de député, s'est dit prêt à mettre en œuvre.

Récemment, le favori du deuxième tour a annoncé qu'il ne privatiserait pas le coeur des activités des deux principales compagnies publiques de l'énergie, Petrobras (pétrole, gaz) et Eletrobras (électricité). Il a également ciblé les investisseurs étrangers du secteur, visant particulièrement la Chine qu'il a accusée "d'acheter le Brésil".

Le lendemain, le cours d'Eletrobras chutait de près de 10% à la Bourse de Sao Paulo.

"Les tergiversations de Bolsonaro en matière de privatisations reflètent vraisemblablement son manque de connaissance (économique), l'absence de position claire en matière de politique énergétique, et ses penchants populistes", explique Lisa Viscidi, du groupe de réflexion The Dialogue, basé aux Etats-Unis et spécialiste de l'Amérique latine.

Pour elle, il est toutefois évident que "Bolsonaro va poursuivre une politique générale d'ouverture des secteurs du pétrole et de l'électricité aux investissements privés".

Une position qui en fait le chouchou des investisseurs face à son rival de gauche, Fernando Haddad.

Le candidat du Parti des travailleurs (PT) de l'ex-président Lula veut stopper toute nouvelle privatisation et défend une plus grande participation de l'État au capital de Petrobras, plombé par une dette de 70 milliards de réais (16 milliards d'euros).

- Changement radical -

La doctrine de Paulo Guedes "signifierait un changement important, sinon radical, pour le Brésil si elle est mise en oeuvre", ajoute Roberta Braga, du centre d'analyses Atlantic Center, également basé aux Etats-Unis.

Et même si elle n'était pas mise en oeuvre, "il y a plus de chances de voir un ensemble de politiques favorables" aux investisseurs si l'objectif est de réduire la dette de Petrobras, estime-t-elle.

A l'inverse, "le programme économique de Haddad, encore vague, suscite l'appréhension chez les investisseurs qui se demandent s'il pourra conduire le Brésil vers plus de compétitivité", ajoute l'analyste.

Ils s'inquiètent d'un projet qui vise à poursuivre les mesures prises par l'ancien président Luiz Inacio Lula da Silva, pour conserver ces entreprises dans le giron de l'Etat.

Le Brésil figure au 153e rang sur 180 pays pour la liberté d'entreprendre, selon un classement annuel de l'Heritage Foundation, un groupe de réflexion américain.

En matière de compétitivité, il est classé 72e sur 137, derrière l'Afrique du Sud et la Turquie, selon le Forum économique mondial.

Plus globalement, Jair Bolsonaro prévoit de poursuivre les privatisations entamées sous la houlette du président sortant de centre droit Michel Temer.

Le candidat d'extrême droite, qui caracole en tête avec 59% des intentions de vote, selon les derniers sondages, a toutefois déclaré que "ce qui est stratégique ne peut pas être privatisé", affirmant en particulier que les banques publiques ne seraient pas cédées.

Pour d'autres secteurs, il a proposé des "actions préférentielles" qui permettraient au gouvernement de garder le contrôle même avec une participation minoritaire.

"Les investisseurs surveilleront la situation de près. Ce qui est certain, c'est que sous Bolsonaro, le Brésil ne reviendra pas à la stratégie nationaliste de gestion des ressources mise en oeuvre par Lula et que Haddad défendra sûrement s'il est président", selon Lisa Viscidi.

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