Bruno Dufayet, un éleveur dans les contradictions de la mondialisation

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Par Isabel MALSANG - Paris (AFP)
Publié le 27 février 2018 - 17:20
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Bruno Dufayet, éleveur de vaches Salers et président de la Fédération nationale bovine (FNB)au Salon de l'Agriculture de la Porte de Versailles le 4 février 2018
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© JACQUES DEMARTHON / AFP/Archives
Bruno Dufayet, éleveur de vaches Salers et président de la Fédération nationale bovine (FNB)au Salon de l'Agriculture de la Porte de Versailles le 4 février 2018
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Face aux militants écologistes, aux défenseurs du bien-être animal ou aux gouvernements qui négocient un accord commercial UE-Mercosur, Bruno Dufayet, éleveur de vaches Salers et président de la Fédération nationale bovine (FNB) applique la même méthode: l'écoute et l'esprit d'équipe.

Au salon de l'Agriculture à Paris, l'homme à la carrure de joueur de rugby, sport qu'il a longtemps pratiqué, arbore le badge "je suis éleveur" au revers de sa veste. Et multiplie les rencontres: Emmanuel Macron, ministres, députés européens, journalistes, militants. Loin des pâturages autour de Mauriac, dans le Cantal (centre), où est basée son exploitation.

Comme les éleveurs français qu'il représente, M. Dufayet, 48 ans, se retrouve pendant le salon propulsé au centre de l'attention. Et des contradictions.

"Avec 55 vaches sur 62 hectares, je suis exactement un éleveur français moyen", qui compte de 55 à 60 vaches sur 60 hectares, dit-il à l'AFP.

Les éleveurs français n'ont pas peur de la mondialisation, "ni des exportations, ni des importations", assure-t-il.

Néanmoins, après la signature de l'accord Ceta avec le Canada, les négociations en cours entre l'Union Européenne et les quatre pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay, Paraguay) pour un accord de libre échange risquent, selon lui, de mettre en péril 20.000 à 30.000 éleveurs français.

Lui-même vend des animaux "en Espagne, en Croatie, en Irlande, et en Grande-Bretagne".

"Ce que nous voulons, c'est un cadre clair. Ce que nous contestons, c'est la distorsion de concurrence": la viande du Canada ou d'Amérique Latine n'est pas produite dans les mêmes conditions qu'en Europe, ses coûts de revient, et donc son prix, sont plus bas.

Il s'inquiète particulièrement des animaux nourris aux farines animales au Canada alors qu'elles sont interdites en Europe. Ou à coup d'antibiotiques utilisés comme activateurs de croissance au Brésil.

- Changer de métier ? -

Pour l'instant, l'éleveur "prend acte" des propos du président français. "Il m'a garanti qu'il n'y aurait pas une tonne supplémentaire qui rentrerait en Europe tant que les conditions de suivi sanitaire ne seront pas mises en place, c'est à dire d'ici 2024".

Mais le doute subsiste. "Comment croire M. Macron quand on sait que ce sont les pays exportateurs qui réalisent les contrôles dans les accords de libre échange tels qu'ils existent aujourd'hui?" s'interroge-t-il.

L'affaire du boeuf avarié au Brésil l'an passé, assortie d'un vaste scandale de corruption, mine aussi la confiance. "Les Etats-Unis et la Russie ont encore leurs frontières fermées pour la viande brésilienne au moment où l'Europe, elle, les ouvre", relève M. Dufayet.

Sur la taille des élevages, il estime que les Français pourraient s'adapter à un modèle de concentration géante du même type qu'outre Atlantique, s'il leur fallait répondre à une nouvelle concurrence, même déloyale.

"Moi personnellement, si c'est la vision du +feedlot+ (ferme-usine NDLR) qui est choisie, je changerai de métier", lâche-t-il. Ses vaches, aujourd'hui, il les connaît par leur nom. Et se dit attaché à un système durable à taille humaine.

Pendant quatre ans, en toute discrétion, alors que montait une contestation vegane et environnementale autour de la viande, accusée pêle-mêle d'être responsable de cancers, de pollution et du réchauffement, il a piloté des rencontres avec des ONG environnementales (WWF, FNH, France Nature Environnement, Green Cross France).

"On a produit un document cosigné, c'était loin d'être gagné au début", se rappelle-t-il. La méfiance était telle qu'il a fallu un médiateur pour chaque réunion. "Mais on est arrivé à faire le constat commun de ce qui est bien dans notre système herbager à la française, et des enjeux de demain."

Du coup, en mai 2017, M. Dufayet a lancé le même type de discussions, avec des associations défendant le bien-être animal. Les "abolitionnistes", du type L214, ne "sont pas invités", note-t-il. "Nous n'avons rien à nous dire, ils souhaitent notre disparition."

Agathe Ginioux, qui mène les discussions pour CIWF, association dédiée au bien-être des animaux d'élevage, salue "l'attitude très ouverte et très collective" de M. Dufayet. "Nous avons un bon dialogue avec lui", assure-t-elle. "Mais nous avons beaucoup de sujets sur la table, notamment sur les conditions de transport des animaux: la filière bovine française, et ses 4 millions de vaches, exporte trop d'animaux, trop loin."

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