Budget 2019 : entre l'État et la Sécu, l'heure du règlement de comptes approche

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Par Gabriel BOUROVITCH - Paris (AFP)
Publié le 12 juillet 2018 - 10:48
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La contribution sociale généralisée est une taxe française qui participe au financement de la sécurité sociale
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© PHILIPPE HUGUEN / AFP/Archives
La contribution sociale généralisée est une taxe française qui participe au financement de la sécurité sociale
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Des lois de finances à la Constitution, le gouvernement prépare le terrain pour, à partir de l'an prochain, transférer vers l'État les futurs excédents de la Sécurité sociale mais aussi de l'assurance chômage et des retraites complémentaires.

Loin des terrains de foot, le transfert de l'été se chiffrera en milliards d'euros: ceux de la "contribution" des administrations de sécurité sociale "à la réduction du déficit de l'État", comme le prévoit la loi de programmation des finances publiques (LPFP) votée fin 2017.

Combien? Comment? Six mois plus tard, alors que le traditionnel débat d'orientation des finances publiques débute jeudi à l'Assemblée nationale, le gouvernement n'a toujours pas dévoilé ses plans. Mais les pièces éparpillées du puzzle en donnent un aperçu.

La LPFP, d'abord, qui ébauche le scénario d'une protection sociale "très excédentaire" et gardant juste de quoi rembourser ses dettes: 20 milliards d'euros en 2019, près de 22 milliards en 2022.

La Cour des comptes, ensuite, qui estime que la Sécu au sens large dégagera en outre un surplus "conséquent" chaque année, qui pourrait "atteindre approximativement" 24 milliards d'euros en 2022.

Une manne qui reviendra donc à l'État, "limitant ainsi le risque qu'elle soit utilisée pour le financement de dépenses nouvelles", expliquent sans détour les magistrats financiers.

Pour éviter l'accumulation par la Sécu de cette cagnotte qui ferait des envieux, l'exécutif dispose d'un atout imparable: l'impôt collecté par l'Etat, qui représente près de 30% des quelque 600 milliards d'euros de recettes de la protection sociale.

Quand une cotisation est réduite ou supprimée, l'État compense généralement sa perte pour la Sécu avec une part de TVA ou de CSG, comme cette année pour l'assurance chômage. Une contrepartie pas toujours intégrale mais dont le principe même est aujourd'hui remis en cause.

C'est tout l'objet du rapport "sur la rénovation des relations financières entre l'État et la Sécurité sociale", que le gouvernement était censé remettre au Parlement fin mars.

Un travail notamment destiné à "instaurer une solidarité financière et partager le coût des baisses de prélèvements obligatoires", précise Bercy dans un document publié début juillet.

- "Tirelire" et Constitution -

Cette nouvelle doctrine pourrait être mise en œuvre dès le prochain budget, avec la "transformation" du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en baisse de cotisations sociales, qui privera la Sécu d'environ 26 milliards d'euros selon la Cour des comptes.

Au-delà de cet horizon de court terme, l'exécutif lorgne les excédents à venir des retraites complémentaires et de l'assurance chômage, dont la gestion échappe pour l'heure à son contrôle.

Le gouvernement pourrait profiter de la réforme constitutionnelle pour reprendre la main: le député de la majorité Olivier Véran a déposé un amendement visant à "étendre le champ" du budget de la Sécu à une "protection sociale obligatoire", chapeautée par l'État.

Une "adaptation" jugée "indispensable" pour financer la réforme des retraites et de celle de la dépendance prévues en 2019, explique le rapporteur de la commission des Affaires sociales de l'Assemblée.

Son homologue du Sénat, le centriste Jean-Marie Vanlerenberghe, met en revanche en garde contre des décisions "susceptibles d'augmenter de manière significative l'instabilité des comptes sociaux, notamment si l'État considérait, à tort, (qu'une fois) revenus à l'équilibre (ils) constituaient une tirelire commode".

L'économiste Alain Trannoy voit, lui, la confirmation d'une "volonté d'établir un budget global piloté depuis Bercy" pour "tenir les objectifs de baisses d'impôts et de réduction du déficit de l'État".

"Si la croissance est bonne, c'est possible de tout faire simultanément mais quand l'élastique se tend, on va chercher l'argent partout où il y en a", ajoute-t-il.

Une approche budgétaire de la protection sociale qui ne convient pas à Jocelyne Cabanal, secrétaire nationale de la CFDT: "On ne répond déjà pas de manière satisfaisante aux besoins. Ce n'est pas au ministre des Comptes publics et à la direction du Budget de déterminer leur juste niveau", estime-t-elle.

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