Chine : nouveaux signes d'essoufflement de l'économie en juillet

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Par Julien GIRAULT - Pékin (AFP)
Publié le 14 août 2018 - 11:01
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Employée d'une usine textile à Lianyungang, dans la province de Jiangsu, le 14 juin 2018 en Chine
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Employée d'une usine textile à Lianyungang, dans la province de Jiangsu, le 14 juin 2018 en Chine
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L'économie chinoise a montré de nouveaux signes d'essoufflement en juillet, avec un ralentissement surprise de la consommation et une drastique baisse de régime des investissements, reflets d'une demande affaiblie et d'une conjoncture fragilisée sur fond de guerre commerciale avec les Etats-Unis.

L'équation se complique pour Pékin: comment muscler sa demande intérieure et ménager l'activité, tout en poursuivant ses titanesques efforts de désendettement et en limitant l'impact du périlleux conflit douanier avec Washington?

Les droits de douane punitifs imposés début juillet par les Etats-Unis sur 34 milliards de dollars de biens chinois importés, et auxquels le régime communiste a aussitôt répliqué, assombrissent le tableau: le yuan s'est ainsi effondré ces dernières semaines face au dollar.

Le contrecoup pour l'économie déjà fragilisée du géant asiatique reste difficile à évaluer, mais "cet impact négatif est graduel, et se fait déjà sentir dans l'économie mondiale", a prévenu mardi, lors d'une conférence de presse, Liu Aihua, porte-parole du Bureau national des statistiques (BNS).

Selon les chiffres publiés mardi par le BNS, les ventes au détail en Chine, baromètre de la consommation des ménages, ont progressé le mois dernier de 8,8% sur un an.

C'est en deçà de la hausse de 9% enregistrée en juin et à rebours de l'accélération attendue par les analystes sondés par Bloomberg (+9,1%).

Fort endettement des ménages, des salaires qui calent, des prix immobiliers exorbitants -- ce qui entraîne des acomptes élevés pour l'achat d'un appartement --: autant de facteurs qui incitent à consommer moins, selon Ting Lu, analyste de la banque Nomura.

De son côté, l'industrie résiste mieux, profitant de solides exportations: les exportateurs chinois gonflant préventivement leurs acheminements en anticipation de futurs tarifs douaniers américains.

La production industrielle n'a cependant gonflé que de 6% sur un an en juillet, au même rythme qu'en juin -- son plus bas niveau depuis presque un an --, très en-dessous des prévisions d'une nette accélération (+6,3%).

- Durcissement du crédit -

De leur côté, les investissements en capital fixe, qui mesurent notamment les dépenses dans les chantiers d'infrastructures, ont gonflé de 5,5% sur un an pour la période janvier-juillet... continuant de s'essouffler à des niveaux jamais vus en presque deux décennies.

C'est un brutal ralentissement après une progression de seulement 6% sur les six premiers mois de l'année. Sur le seul mois de juillet, ces investissements n'ont crû que de 3% sur un an, selon des calculs de Nomura.

"Des vents contraires puissants et persistants entravent la demande intérieure", insiste Julian Evans-Pritchard, analyste du cabinet Capital Economics, pointant "le ralentissement du crédit".

Soucieux d'endiguer le colossal endettement de la Chine, le régime a attaqué la finance de l'ombre non régulée et durci sa supervision du secteur bancaire, compliquant le financement des entreprises... et restreignant les investissements des collectivités locales.

"Etant donné que la croissance (du volume) de crédit continue de s'essouffler, l'activité économique risque d'être encore pénalisée dans les mois qui viennent", observe M. Evans-Pritchard.

D'autant que la solidité des exportations pourrait fondre face aux sanctions douanières américaines et à une conjoncture mondiale morose. La Maison Blanche s'apprête ainsi à appliquer la semaine prochaine de nouveaux droits de douane sur 16 milliards de dollars de biens chinois supplémentaires.

- Coup de pouce budgétaire -

Dans ce contexte, le Premier ministre Li Keqiang a promis mi-juillet "une politique budgétaire plus active" pour stimuler l'activité, à coups de déductions fiscales et d'émissions obligataires destinées à financer de grands chantiers.

"Ce revirement vers un assouplissement de la politique monétaire et budgétaire pourrait finalement relancer la croissance du crédit", et accélérer les investissements dans les infrastructures, observe M. Evans-Pritchard.

Mais selon lui, il est "improbable" que ces mesures puissent enrayer le ralentissement de la croissance économique chinoise "avant mi-2019".

Ces "assouplissements" s'imposent pour "muscler la relance" et prévenir "des désordres financiers" face à la montée des défauts de paiement sur des obligations d'entreprises, note Ting Lu.

Mais "l'état de l'économie chinoise va encore empirer avant qu'elle n'aille mieux, cela prendra au moins plusieurs mois avant d'assister à un tournant", abonde l'analyste.

Pour sa part, le Fonds monétaire international (FMI) a enjoint à Pékin de résister à la tentation de laisser filer le crédit, dénonçant l'envolée "toujours insoutenable" de l'endettement, qui maintient à flots des firmes étatiques peu productives et ne fait qu'"intensifier les risques".

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