Dans les entrailles du Lyon-Turin, projet contesté mais bien entamé

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Par Céline CORNU - Saint-Martin-la-Porte (France) (AFP)
Publié le 06 décembre 2018 - 13:40
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Vue du chantier du tunnel de la liaison Lyon-Turin, à Saint-Martin-la-Porte le 29 novembre 2018
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© MARCO BERTORELLO / AFP
Vue du chantier du tunnel de la liaison Lyon-Turin, à Saint-Martin-la-Porte le 29 novembre 2018
© MARCO BERTORELLO / AFP

Dehors, les températures ne dépassent guère les cinq degrés, mais à l'intérieur, l'atmosphère est quasi tropicale. Plus on s'enfonce, plus le bruit devient assourdissant: nous sommes au cœur du Lyon-Turin, où le tunnelier avance pas à pas.

Depuis quelques mois, ce projet de ligne ferroviaire fait l'objet d'un bras de fer au sein du gouvernement populiste italien, tandis que partisans et opposants donnent de la voix.

Sous terre, à Saint-Martin-la Porte (Savoie), une vingtaine d'ouvriers s'activent autour de la "bête", casques de protection, lunettes, bottes et casques anti-bruits sur les oreilles.

De la roche à creuser, on ne voit rien ou presque à travers la roue de coupe et ses quelques 70 molettes d'acier entraînées par des générateurs dont la puissance équivaut à huit moteurs de Formule 1.

Élément central du projet, le tunnel doit s'étendre sur 57,5 kilomètres entre Saint-Jean-de-Maurienne et Suse: 45 km en France et 12,5 en Italie.

Deux tubes doivent permettre à partir de 2030 le passage de trains dans un sens et dans l'autre, afin de délester la route de centaines de milliers de camions.

- 400 mètres par mois -

"L'ensemble du projet représente 162 km de galeries. Pour le moment, nous avons creusé 25 km, soit 15%", détaille Piergiuseppe Gilli, directeur de la construction à la société franco-italienne Telt.

Environ 800 personnes travaillent sur l'ensemble du chantier.

Sur le segment Saint-Martin-La Porte - La Praz, les travaux avancent sur deux fronts: en direction de Lyon avec des méthodes traditionnelles (explosifs, moyens mécaniques) en raison de la particularité de la roche, tandis que vers l'Italie, c'est le tunnelier "Federica" qui est à l'œuvre.

Six des neuf kilomètres de ce tronçon ont déjà été creusés, dont 5,5 par le tunnelier qui "avance à un rythme de 15 à 18 mètres par jour, soit 400 mètres par mois", mieux que les 250 mètres prévus initialement, explique à l'AFP Francesco Gamba, de la direction des travaux à Saint-Martin-la-Porte.

"Federica", avec sa roue de coupe, ses générateurs et ses foreuses, est immense: 11 mètres de diamètre sur 135 de long. Elle creuse 16 heures par jour, les huit heures restantes étant dédiées à la manutention.

Les lourdes molettes d'acier -- 100 kg chacune -- doivent en effet être changées quatre fois par jour, retirées et remplacées à la main, car les lames s'usent vite. "Il faut aussi recharger l'huile et les autres liquides, et faire les sondages d'avancement", explique M. Gamba.

En montant sur les passerelles, on découvre les foreuses qui réalisent ces sondages destinés à vérifier la nature de la roche, la lithologie, la présence d'argile, de quartz, d'eau ou de gaz.

- Manifestation samedi -

"En fonction, on règle la vitesse d'avancement de la machine", détaille M. Gamba, en montrant les écrans et caméras de contrôle dans la cabine de pilotage.

Les roches brisées sont évacuées sur un tapis roulant, tandis que les voussoirs, blocs de bétons courbés, sont amenés par train sur pneu. Ils sont positionnés par une sorte de ventouse géante sur le tunnel et le vide est comblé par une résine d'injection. Sur ces seuls 9 km, il faudra 48.000 voussoirs.

L'ambiance dans le tunnelier est étrange: bruit assourdissant, chaleur, eau qui s'échappe, lumière artificielle et sensation d'être au milieu de la montagne.

Guillaume Nonfoux, pilote de tunnelier de 31 ans, souligne que ceux qui travaillent sous la roche sont "comme une famille" où le maître mot est "l'entraide".

Mais en surface, la contestation gronde. Si 40.000 personnes ont manifesté leur attachement au projet le 12 novembre à Turin, les opposants ont prévu une grande manifestation samedi.

"Cette vallée a déjà beaucoup d'infrastructures, ce projet est inutile. Le niveau de trafic entre la France et l'Italie a beaucoup diminué par rapport à la période du boom économique", estime le maire de Susa, Sandro Plano, en déplorant également les désagréments à venir pour les habitants à cause du chantier.

Mais en cas d'annulation, "on ne pourra pas laisser les galeries creusées sans manutention", avertit M. Gilli. "Il faudra préparer un projet de +restauration+, qui devra être approuvé tant en France qu'en Italie".

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