Sur les bateaux français, poisson recherche pêcheur désespérément

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Par Nicolas GUBERT - Sète (AFP)
Publié le 15 juin 2018 - 13:32
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Deux mille marins-pêcheurs de France, soit un sur six, seront à la retraite d'ici 2020: le constat, qui résulte d'une pyramide des âges vacillante, inquiète grandement le monde de la mer qui peine à recruter, la faute à une image perfectible.

La question a agité une table ronde sur l'attractivité des métiers de la pêche lors des assises de la pêche, organisées jeudi et vendredi à Sète (Hérault).

L'origine de cette désaffection? "Au tout début, c'est les années difficiles qu'on a pu connaître à la fin des années 1990 et au tout début des années 2000, où le métier de marin-pêcheur a été fortement décrié et mal considéré par l'opinion publique", explique Antoine Le Garrec, directeur général de Cap Bourbon, qui emploie des marins à la Réunion et Saint-Pierre et Miquelon.

Alors pointés du doigt comme responsables de la surpêche, les marins ont vu chuter leur cote d'amour. Même si, depuis, la situation s'est améliorée.

"Comment vous voulez penser qu'il y a de l'avenir si on vous dit que toutes les espèces sont surexploitées? On a du mal à motiver les gens", déplore M. Le Garrec, qui mentionne également l'éloignement géographique du milieu familial.

Autre problème invoqué: du fait des difficultés économiques rencontrées jusqu'au début des années 2000, il n'y a pas eu de renouvellement de la flotte de pêche française, peu attractive sur le plan du confort et de la sécurité.

Un argument balayé par Michel Tudesq, directeur du lycée maritime de Sète: "Vous pouvez mettre le plus beau bateau du monde, si vous mettez un Thénardier à la barre, vous allez rendre malheureux les gens à bord."

Pour lui, l'attractivité passe par une évolution des mentalités. "Ces gens-là valorisent leur fonction en disant: +on gagne bien notre vie, parce qu'on fait un métier dangereux+", déplore-t-il, appelant à valoriser avant tout la capacité des pêcheurs à gérer le risque.

Les professionnels mettent en avant de belles rémunérations, autour de 3.000 à 3.500 euros brut en moyenne pour un marin-pêcheur, avec toutefois de fortes disparités selon le type de pêche. Malgré tout, de l'avis général, ça ne suffit pas.

- Très peu de femmes sur le pont -

"Aujourd'hui, les jeunes sont comme tout le monde, et préfèrent parfois gagner un petit peu moins et avoir un confort de vie plus agréable", explique M. Le Garrec.

"Quand vous pouvez travailler sur le nombre de marées (les sorties en mer d'un bateau de pêche NDLR) ou de rotations de vos équipages, c'est ça aussi qui va faire l'attractivité du bateau. Nous, on a toujours été, à La Réunion, avec un rythme de quatre marées, ce qui permettait à nos officiers de faire 50% à terre et 50% en mer, du coup, on attirait beaucoup plus facilement du monde", explique-t-il.

Il met aussi en avant des efforts d'investissement sur la sécurité et le confort des nouveaux bateaux.

Il aimerait que les pouvoirs publics aident à "redorer l'image du marin-pêcheur". "C'est quand même encore un des seuls métiers où c'est vraiment facile de commencer comme matelot et de finir comme capitaine de pêche", souligne-t-il.

L'avenir des armements, de l'avis de certains, pourrait aussi venir de la femme, encore ultra-minoritaire sur le pont.

En 2015, la pêche au large et grande pêche comptait 24 femmes enregistrées, sur un effectif total de 4.700 marins, soit 0,5%, selon un rapport de FranceAgriMer, citant la sécurité sociale des marins. Une proportion qui décolle à peine dans la petite pêche et la pêche côtière, qui en comptent 1,7%.

Cela "peut être une source pour recruter. Sur nos bateaux, on embarque des observatrices et ça se passe très bien, elles s'intègrent très bien à l'équipage", témoigne M. Le Garrec.

"Nous avons de très belles réussites de jeunes filles dans la pêche", déclare de son côté Michel Tudesq, qui se félicite d'avoir un internat de filles et cette année une parité filles/garçons dans un des BTS dispensés dans son lycée de Sète.

Pour autant, il reste pessimiste sur les moyens engagés pour former des jeunes: selon lui, les quelque 600 jeunes sortant chaque année de la douzaine de lycées maritimes de France ne suffisent pas: "il faut mettre plus de monde dans les lycées", conclut-il.

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