En Camargue, la récolte de la fleur de sel, entre tradition et transmission

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Par Isabelle LIGNER - Aigues-Mortes (France) (AFP)
Publié le 23 août 2018 - 15:57
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Dans les tables salantes d'Aigues-Mortes (Gard) le 22 août 2018
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© PASCAL GUYOT / AFP
Dans les tables salantes d'Aigues-Mortes (Gard) le 22 août 2018
© PASCAL GUYOT / AFP

Dans les tables salantes d'Aigues-Mortes (Gard) aux chatoyants camaïeux de rose, des hommes en blanc, équipés de pelles et de bottes, récoltent la fleur de sel. Cette activité traditionnelle, toujours effectuée manuellement, se pratique l'été en Camargue, de génération en génération.

De 6H00 à 12H00, une douzaine de jeunes hommes descendent dans un bassin auquel des millions de micro-organismes donnent une teinte rose, tout comme aux flamants qui peuplent cet espace naturel d'exception. Sous les pieds des apprentis sauniers, étincellent 30 centimètres de cristaux blancs de fleur de sel, considérée comme le sel le plus noble.

C'est Luc Vernhes, 59 ans, dont 40 ans de travail aux Salins d'Aigues-Mortes qui, en tant que chargé de la récolte de fleur de sel, a sélectionné l'équipe.

"Le casting est un peu spécial, il n'y a que des pistonnés", plaisante ce truculent natif de la cité gardoise fortifiée. "C'est une tradition qui reste dans les familles ou l'entourage des sauniers", explique-t-il, y voyant "une garantie de transmission et de qualité".

Jamais de femmes dans ce travail de ramassage, car une présence féminine "déconcentrerait l'équipe", assure-t-il sans rire.

Le fils de Luc Vernhes participe depuis trois ans à cette récolte qui s'effectue de mi-juillet à fin août dans la plaine lagunaire du Rhône, où l'extraction du sel est pratiquée depuis l'Antiquité. "J'avais déjà un grand-père, des oncles et tantes qui travaillaient ici", souligne Luc Vernhes.

Killian Metais, qui vient d'avoir son baccalauréat, a fait sa première saison aux salins cet été. Pour lui aussi, cette récolte est "une histoire de famille", via un oncle paternel et une activité "qui "représente la Camargue". "Ca me plait", dit le jeune homme de 18 ans, et c'est "beaucoup mieux" que de travailler dans la restauration rapide.

- grève -

Pour ces jeunes, qui, en majorité, reprendront leurs études à la rentrée, le soleil de plomb et le manque d'air sont "pénibles". "Jusqu'à 10H00, ça va", commente leur chef d'équipe, "mais après naturellement, on baisse un peu le rythme à cause de la chaleur: on n'est pas là pour faire de la cadence".

Le processus de formation de la fleur de sel dépend d'un savant mélange de soleil, de vent, de magnésium et de bêta-carotène, résume-t-il. "La fleur de sel aime la chaleur et en particulier la canicule", souligne le maître-saunier. En revanche, "la pluie est son ennemie".

"Il faut amener de la saumure forte en densité et en magnésium dans un bassin de 30 hectares" puis filtrer le tout vers "un autre enclos où la fleur de sel va se former, toujours en surface", explique-t-il.

"Le léger vent du matin - Mistral ou Tramontane - va la pousser au sud et à l'est du bassin", poursuit ce passionné. "Il s'en forme sur 4 à 5 mètres: une partie de l'équipe des sauniers la pousse alors vers le bord et les ramasseurs la mettent sur des palettes" qui seront chargées mécaniquement dans de grands sacs à bord d'un camion.

La fleur de sel récoltée est "très humide": elle doit attendre 10 à 12 mois pour être conditionnée lorsqu'elle a perdu environ 15% de son humidité et ne risque plus de dégager une forte odeur en étant confinée.

Selon leur responsable, l'équipe a "bien travaillé" depuis le 16 juillet, ayant déjà ramassé plus de 500 tonnes de fleur de sel vendables. Soit un grain de sel dans l'océan que représentent les quelque 220.000 tonnes de sel brut récoltées mécaniquement chaque année sur le site d'Aigues-Mortes par le groupe Salins, un des principaux saliniers européens.

Le groupe ne communique pas sur ce que lui rapporte la fleur de sel ni sur le montant des salaires des sauniers saisonniers, près d'un an après un mouvement de grève sur le site d'Aigues-Mortes.

Les saisonniers ne souhaitent pas s'exprimer sur la question. Les membres de son équipe "ne gagnent pas assez", concède Luc Vernhes mais beaucoup demandent à revenir d'année en année - un signe, selon lui, de leur attachement à cette activité artisanale locale.

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