Entre la France et l'Italie, des mariages économiques tumultueux

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Par Pierre DONADIEU - Paris (AFP)
Publié le 25 mars 2019 - 08:00
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L'Italien Leonardo del Vecchio (d), patron de Luxottica, et le Français Hubert Sagnières, PDG d'Essilor, le 16 janvier 2017 à Paris
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© Thierry FOULON, Thierry FOULON / Essilor/AFP/Archives
L'Italien Leonardo del Vecchio (d), patron de Luxottica, et le Français Hubert Sagnières, PDG d'Essilor, le 16 janvier 2017 à Paris
© Thierry FOULON, Thierry FOULON / Essilor/AFP/Archives

La rivalité entre la France et l'Italie ne s'arrête pas aux terrains de foot, à l'image de la crise ouverte chez le géant mondial de l'optique EssilorLuxottica. Un accrochage qui reflète des relations économiques fortes mais parfois tumultueuses entre les deux pays.

"J'espérais que lui et moi pourrions travailler ensemble et construire le géant mondial de l'optique du futur. J'avais confiance. Malheureusement, ça a été compliqué dès le début".

Ce constat cinglant signé Leonardo del Vecchio, le PDG italien d'EssilorLuxottica, 83 ans, mercredi dans le Figaro vise le vice-PDG français de la société, Hubert Sagnières, 20 ans de moins.

Depuis la fusion entre le lunettier italien et le fabricant de verres français en octobre, les deux hommes se livrent un combat de chefs, chacun reprochant à l'autre de vouloir imposer son poulain à la tête d'un colosse de 140.000 salariés et 15 milliards d'euros de chiffre d'affaires.

Une guerre interne loin de plaire aux investisseurs, le titre d'EssilorLuxottica ayant perdu près de 25% depuis l'annonce de la fusion pour tomber vendredi dernier à 97,96 euros.

"C'est un exemple de fusion où la gouvernance n'a jamais été clarifiée. Si la personne qui dirige n'est pas clairement désignée, c'est difficile d'avoir une gouvernance stable", explique à l'AFP Carlo Alberto Carnavale Maffe, professeur de stratégie à l'université Bocconi de Milan.

"Les talents français et italiens se complètent et donnent d'excellents résultats. Mais il y a des pièges comme le paradoxe de la proximité: on pense qu'on fonctionne de la même manière mais en réalité on fonctionne de manière différente", précise à l'AFP Fabrizio Romano, président de l'Institut pour les relations économiques France-Italie.

Mais le cas du géant des lunettes est loin de faire exception dans un paysage franco-italien parfois nuageux.

Vincent Bolloré par exemple n'a pas été épargné par Marina Berlusconi qui a comparé son attitude à celle d'Attila, en avril dernier.

L'industriel français s'est mis à dos la famille du magnat italien, à la suite d'un raid de Vivendi jugé "hostile" par les Berlusconi sur leur société Mediaset.

"L'Italie a toujours eu le complexe d'être le petit frère, qui se plaint de l'arrogance française", indique à l'AFP Ludovic Subran, chef économiste de l'assureur crédit Euler Hermes.

"Il y a une tradition séculaire de la famille italienne qui tient le capital de son entreprise. Mais face aux banques qui ne prêtent pas, il a fallu chercher des capitaux pour faire des investissements. Et ça s'est produit dans des moments difficiles pour l'Italie, ce qui ajoute du ressentiment", poursuit-il.

- Relations toujours fortes -

Dans certaines batailles économico-diplomatiques, les interventions politiques n'apaisent pas toujours les tensions.

L'hostilité du gouvernement de Rome à l'égard de Vivendi, qualifié de "très mauvais actionnaire", n'a pas aidé la société française à garder le contrôle de Telecom Italia.

Il a aussi fallu sept ans pour que le numéro un mondial du lait Lactalis prenne le contrôle de Parmalat, après des oppositions répétées de Rome.

"Une société qu'elle soit italienne ou française a un intérêt économique et industriel, elle a un but indépendant de la relation politique", tempère Denis Delespaul, président de la Chambre de commerce et d'industrie française en Italie.

Les deux pays restent des partenaires "incroyablement importants, géographiquement et culturellement très proches", argue-t-il, avec 1.900 entreprises françaises en Italie et 1.600 dans le sens inverse.

Mais ces derniers mois, les tensions entre le président Emmanuel Macron et la coalition populiste en Italie ont pesé sur certains dossiers, en particulier la ligne à grande vitesse Lyon-Turin.

Rome voudrait revoir la répartition du financement dont le coût est supporté à 40% par l'UE, 35% par l'Italie et 25% par la France.

Les deux pays s'opposent jusqu'en Libye, avec leurs géants pétroliers Eni et Total qui bataillent pour des gisements près de Syrte et dans l'ouest du pays.

Malgré les rivalités, les relations bilatérales connaissent aussi des succès comme l'intégration réussie de la maison de luxe Gucci au français Kering ou le rachat des chantiers navals STX par l'italien Fincantieri. D'abord source de malentendus, le projet est aujourd'hui soutenu par les deux gouvernements.

"La France est le deuxième client de l'Italie avec plus de 47 milliards d'euros importés, et la France exporte en Italie 37 milliards", insiste Denis Delespaul.

De nouveaux projets de mariage sont même dans les cartons: début mars, le PDG de PSA Carlos Tavares a laissé entendre qu'une fusion avec Fiat-Chrysler pourrait bientôt avoir lieu.

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