Etats-Unis : premier procès sur de possibles effets cancérigènes du RoundUp

Auteur:
 
Par Julie CHARPENTRAT - San Francisco (AFP)
Publié le 20 juin 2018 - 09:24
Image
Des bidons de RoundUp, herbicide controversé de Monsanto, en vente dans une boutique de Glendale, le 19 juin 2018 en Californie
Crédits
© Robyn Beck / AFP
Des bidons de RoundUp, herbicide controversé de Monsanto, en vente dans une boutique de Glendale, le 19 juin 2018 en Californie
© Robyn Beck / AFP

Le premier procès autour de possibles effets cancérigènes du RoundUp, l'herbicide controversé de Monsanto contenant du glyphosate, qui s'est ouvert cette semaine aux Etats-Unis, pourrait avoir des conséquences sur des centaines, voire des milliers, de procédures judiciaires en cours.

L'enjeu est donc crucial pour le géant de l'agrochimie, qui pourrait avoir à payer d'énormes sommes en dommages et intérêts.

A 46 ans, Dewayne Johnson, père de deux enfants, est atteint d'un cancer en phase terminale. Pour lui, c'est à cause du RoundUp, qu'il a répandu à partir de 2012 pour désherber des terrains appartenant au district scolaire de Benicia, au nord-est de San Francisco, explique à l'AFP son avocat Timothy Litzenburg, qui représente des centaines de personnes s'estimant également victimes du glyphosate, une substance qui fait l'objet d'études contradictoires quant à sa dangerosité.

Selon des médias américains, il existe des milliers de procédures en cours contre Monsanto aux Etats-Unis, à divers degrés d'avancement.

"Une grosse partie de son travail consistait à répandre du RoundUp et du Ranger Pro (un autre désherbant au glyphosate) 20 à 40 fois par an, parfois des centaines de gallons (3,8 litres) à la fois", précise Me Litzenburg.

En 2014, M. Johnson a été diagnostiqué d'un lymphome, un cancer qui atteint les globules blancs, et "nous ne pensions pas qu'il vivrait assez longtemps" pour être présent au procès, poursuit-il. Des images diffusées par la télévision américaine ont montré M. Johnson au tribunal lundi, visiblement affaibli et marqué par de nombreuses lésions cutanées.

En 2016, M. Johnson, qui n'est plus en état de travailler aujourd'hui, a déposé plainte contre Monsanto qu'il accuse d'avoir caché la dangerosité de son produit.

Si le procès s'est officiellement ouvert lundi avec la désignation d'un juge, les débats eux-mêmes ne devraient pas débuter avant le milieu de la semaine prochaine, après une série d'audiences techniques et la sélection du jury, selon les deux parties interrogées par l'AFP.

- Controverse scientifique -

Très utilisé dans le monde entier, le glyphosate a suscité une vive controverse scientifique. Elle s'appuie sur l'étude du Centre international de recherche sur le cancer, un organe de l'OMS, qui l'a classé "cancérogène probable" en 2015, contrairement aux agences européennes, l'Efsa (sécurité des aliments) et l'Echa (produits chimiques).

Le glyphosate est particulièrement controversé en Europe. Après la décision de l'Union européenne en novembre de renouveler la licence de l'herbicide pour cinq ans, le gouvernement français s'est récemment engagé à cesser d'utiliser cette substance d'ici 2021, sans pour autant inscrire l'interdiction dans la loi.

Monsanto, qui vient d'être racheté par l'allemand Bayer, a toujours nié tout lien entre maladie et glyphosate, une substance classée comme cancérigène par la Californie.

"Plus de 800 études scientifiques, l'agence américaine pour la protection de l'environnement, des instituts chargés de la santé publique et des régulateurs dans le monde entier ont conclu que le glyphosate est sans danger d'utilisation et ne provoque pas de cancer", a fait valoir le groupe dans une déclaration écrite à l'AFP.

"Nous avons de l'empathie pour toutes les personnes atteintes d'un cancer mais les preuves scientifiques montrent clairement que le glyphosate n'en est pas la cause. Nous sommes impatients de présenter ces preuves devant le tribunal", a poursuivi Monsanto.

La défense de M. Johnson n'a pas encore fixé le montant des sommes qu'elle compte demander à Monsanto, également connu pour ses semences OGM, elles aussi très controversées. "La seule chose que nous pouvons faire, en tant qu'avocat (dans une procédure civile), c'est de prendre de l'argent à Monsanto et le donner à M. Johnson", a expliqué Timothy Litzenburg.

La plainte de M. Johnson est la première du genre à arriver jusqu'au procès, ont expliqué les deux parties, ainsi que l'ONG anti-pesticides "Pesticide Action Network North America", en raison de l'état de santé du plaignant. La loi californienne permet en effet une procédure accélérée en cas de décès imminent.

"Monsanto a volontairement trompé le public à propos de la (dangerosité) du RoundUp depuis des décennies", a estimé auprès de l'AFP une membre de cette ONG, Linda Wells. "Si M. Johnson gagne ce procès, ce sera un énorme coup porté à l'industrie des pesticides toute entière", a-t-elle ajouté.

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
Castex
Jean Castex, espèce de “couteau suisse” déconfiné, dont l'accent a pu prêter à la bonhomie
PORTRAIT CRACHE - Longtemps dans l’ombre, à l’Elysée et à Matignon, Jean Castex est apparu comme tout droit venu de son Gers natal, à la façon d’un diable sorti de sa ...
13 avril 2024 - 15:36
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.