Harcèlement sexuel au travail : les victimes qui osent la dénonciation risquent gros

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Par AFP
Publié le 18 octobre 2017 - 21:23
Mis à jour le 19 octobre 2017 - 20:20
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Gestes ou propos à connotation sexuelle répétés malgré leur absence de consentement: une femme activ
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© FRED DUFOUR / AFP/Archives
Les victimes de harcèlement sexuel au travail, très majoritairement des femmes, ont "beaucoup plus à perdre qu'à gagner" lorsqu'elles osent dénoncer les faits, en dépit d'une législation plus contraignante pour les employeurs.
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Les victimes de harcèlement sexuel au travail, très majoritairement des femmes, ont "beaucoup plus à perdre qu'à gagner" lorsqu'elles osent dénoncer les faits, en dépit d'une législation plus contraignante pour les employeurs, selon des professionnels du monde du travail, interrogés par l'AFP.

Gestes ou propos à connotation sexuelle répétés malgré leur absence de consentement: une femme active sur cinq (20%) a fait face à une situation de harcèlement sexuel dans son parcours professionnel mais seulement 5% des cas ont été portés devant la justice, indique une enquête de l'Ifop de 2014 pour le Défenseur des droits.

L'association contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT) parle de 1.000 plaintes par an et dénonce "l'inertie des professionnels censés leur venir en aide", à commencer par les employeurs, qui ont l'obligation de "prendre toutes les mesures qui s'imposent" en vue de "prévenir" ce type de faits, "y mettre un terme" et "les sanctionner".

Les entreprises de plus de 20 salariés doivent aussi indiquer dans leur règlement intérieur ce qu'est le harcèlement sexuel et comment il est sanctionné : jusqu'à trois ans de prison et 45.000 euros d'amende, une obligation qui n'est pas toujours respectée ou "seulement a minima", dit Astrid Toussaint, du conseil national de SUD-Travail, représentant les inspecteurs du travail.

La loi stipule aussi qu'aucun salarié (stagiaire ou contractuel, personne candidate à un poste...) ne peut être licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné de faits de harcèlement sexuel ou les avoir relatés, mais "rares sont les victimes qui osent parler car elles ont tout à perdre si elles n'arrivent pas à prouver les faits, ce qui est extrêmement difficile", témoigne un inspecteur du travail du Val-de-Marne, sous couvert d'anonymat.

Si les victimes sont le plus souvent des femmes ayant un certain niveau de responsabilité (30% de professions libérales et de cadres supérieures), exerçant leur profession dans des structures de taille réduite et, en particulier, dans des environnements professionnels majoritairement composés d'hommes (35%), selon l'enquête Ifop, "tous les secteurs d'activité sont concernés comme toutes les catégories professionnelles", ajoute ce professionnel.

- Ruptures conventionnelles -

Il s'agit de "dysfonctionnements individuels" qui sont "peu fréquents à être dénoncés auprès de nos services", dit Bénédicte Ravache, secrétaire générale de l'association nationale des DRH (ANDRH).

"La difficulté c'est d'identifier le harcèlement sexuel, de faire remonter la parole des victimes et d'obtenir des témoignages. Il y a pas mal de situations où on est dans un environnement collectif de travail", ajoute cette professionnelle, reconnaissant "qu'un nombre significatif de cas ne sont pas portés à la connaissance des RH" et qu'aucune mesure de prévention spécifique n'existe sur le sujet.

"Moqueries, isolement, culpabilité...C'est +la double peine+", dit l'inspecteur du travail du Val-de-Marne, citant le cas d'une femme "victime d'une sanction disciplinaire pour avoir dénoncé des faits de harcèlement sexuel tandis que son harceleur a été muté sans autre forme de procès à 20 km de son ancien travail".

Les entreprises ne se saisissent du problème que lorsqu'elles sont acculées, accuse ce professionnel. "Les harceleurs sont souvent des responsables hiérarchiques voire les employeurs eux-mêmes. Elles préfèrent un règlement à l'amiable ou une rupture conventionnelle avec un chèque de 10.000 ou 15.000 euros pour ne surtout pas en parler".

"Les sanctions sont rares", confirme Mme Toussaint à Nancy, parce que "nombre d'agissements sont admis, que c'est à la victime d'apporter la preuve au pénal et que la grande majorité préfère se taire". Ca "finit souvent en arrêt maladie, inaptitude ou par un licenciement pour tout autre chose. Et dans le peu de cas où la victime accepte de parler, le harceleur porte plainte pour dénonciation calomnieuse", ajoute-t-elle.

"Le travail n'est que le reflet de la société. Même si la loi a précisé le harcèlement sexuel en 2012 et interdit les agissements sexistes en 2015, il existe un déni autour de cette question", dit Sophie Poulet, inspectrice du travail à Paris et membre du conseil national de SUD Travail.

Et les inspecteurs du travail "manquent de formation" sur cette question, ajoute Mme Poulet. Ce n'est "pas la priorité du ministère du Travail" dans "un contexte de réduction des effectifs de contrôle de 10% en 2014 et de 15% prévu en 2018".

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