La course des fabricants d'IRM pour réduire leur dépendance à l'hélium

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Par Etienne BALMER - Paris (AFP)
Publié le 12 octobre 2018 - 14:09
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Les fabricants d'IRM tentent de réduire la consommation d'énergie fossile de ces volumineux appareils d'imagerie médicale, friands d'hélium liquide
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© FRANK PERRY / AFP/Archives
Les fabricants d'IRM tentent de réduire la consommation d'énergie fossile de ces volumineux appareils d'imagerie médicale, friands d'hélium liquide
© FRANK PERRY / AFP/Archives

Loin du tumulte de la course aux véhicules électriques, c'est une bataille similaire, mais autrement plus discrète que se livrent les fabricants d'IRM: réduire la consommation d'énergie fossile de ces volumineux appareils d'imagerie médicale, friands d'hélium liquide.

L'imagerie par résonance magnétique est aujourd'hui un outil de diagnostic médical très répandu: plus de 100 millions d'IRM sont réalisées chaque année dans le monde et ce marché devrait atteindre 6 milliards d'euros en 2021, contre 4,7 milliards d'euros en 2016, selon le cabinet d'études MarketsandMarkets.

Née à la fin des années 1970, la technologie utilise les propriétés des atomes d'hydrogène présents dans l'eau de notre corps en les faisant réagir à un puissant champ magnétique pour convertir ensuite leurs signaux en images 2D ou 3D.

Ce champ magnétique est produit par des aimants rendus "supraconducteurs" (sans résistance électrique) grâce à des bobines de cuivre baignant dans de l'hélium, gaz ayant à l'état liquide une température proche du zéro absolu, autour de -269 degrés Celsius.

Il faut ainsi quelques centaines, voire jusqu'à 2.000 litres d'hélium liquide pour faire fonctionner un IRM, selon les modèles. Certains nécessitent d'être rechargés de temps en temps, une partie de l'hélium pouvant s'évaporer en repassant à l'état gazeux.

Or l'hélium "est cher car il devient rare", explique à l'AFP Serge Ripart, directeur imagerie de Siemens Healthineers, la société de technologie médicale du géant allemand Siemens, leader mondial du marché des IRM.

- Philips dégaine le premier -

Car l'hélium ne peut pas être produit artificiellement à l'heure actuelle. Il provient surtout de gisements de gaz naturel, d'où il est extrait par processus cryogénique.

Ses prix oscillent "de 20 à 40 euros le litre, selon les pays", ajoute M. Ripart.

"Cela pourrait augmenter de 50% à 100% dans les mois qui arrivent", prévient Marceau Eck, responsable du marketing IRM de Philips France, évoquant des "problèmes de quantités" aux Etats-Unis et les "incertitudes géopolitiques" planant sur d'autres importants producteurs, comme le Qatar.

Un alignement de planètes opportun pour le néerlandais Philips, qui lance ce mois-ci l'IRM le moins gourmand en hélium au monde: son "Ingenia Ambition X" est capable de fonctionner avec seulement 7 litres d'hélium liquide et sans besoin de recharge, souligne M. Eck.

Son principe: plutôt que d'immerger intégralement dans de l'hélium liquide les bobines supraconductrices, celles-ci sont enrobées de "microtubules", pour les refroidir avec une quantité d'hélium optimisée, explique-t-il.

"On veut que cette machine devienne le standard à l'horizon 2019-2020 (...). On arrive avec quelque chose qui est vraiment nouveau par rapport à la concurrence. Certains annoncent depuis plusieurs années qu'ils vont l'avoir, mais ils en sont toujours aux tests", ajoute-t-il.

Ainsi, dès 2016, l'américain GE Healthcare avait dévoilé "Freelium", un IRM nécessitant également très peu d'hélium (20 litres à l'époque). Mais il ne l'a toujours pas commercialisé: un choix délibéré, selon le groupe.

- "Un progrès, pas une révolution" -

"On a constaté qu'il y avait un certain intérêt [pour cette technologie], mais aussi pour la technologie toujours conventionnelle", le marché des IRM étant "assez traditionaliste", expliquait récemment à l'AFP Stéphane Maquaire, directeur de l'activité IRM en Europe de GE Healthcare.

"C'est un peu comme la voiture électrique: le +switch+ (le basculement, NDLR) ne va pas être immédiat", selon lui.

Une telle innovation représente en outre un surcoût à l'achat, ce qui retarde les gains d'économies générés par une moindre consommation d'hélium. Or les marchés émergents, où les ventes d'IRM sont les plus dynamiques, "vont davantage aller sur des IRM d'entrées de gamme, avec des coûts d'acquisition inférieurs", avançait M. Maquaire.

Siemens Healthineers lui aussi "sait faire" des IRM fonctionnant avec quelques dizaines de litres d'hélium, mais les teste également en interne pour le moment.

"Ce n'est pas une priorité de développement" pour le groupe, qui préfère mettre l'accent sur des innovations ayant un impact clinique, comme la réduction des temps d'acquisition des examens IRM, selon M. Ripart.

"C'est un progrès, mais pas une révolution", ajoute-t-il, rappelant que beaucoup d'appareils IRM existants n'ont plus besoin de recharge, grâce à des systèmes pour reliquéfier l'hélium en circuit fermé.

"La vraie rupture serait d'obtenir la supraconductivité des aimants à température ambiante, en travaillant sur de nouveaux matériaux, juge-t-il. "Des équipes de recherche y travaillent un peu partout dans le monde, mais je ne sais pas si on arrivera un jour".

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