L'Allemagne restreint la collecte tous azimuts de données par Facebook

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Par Yann SCHREIBER - Bonn (AFP)
Publié le 07 février 2019 - 05:00
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Le Bangladesh en guerre contre l"opium numérique" des réseaux sociaux
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© SAM YEH / AFP/Archives
Le logo de Facebook sur un écran de téléphone portable
© SAM YEH / AFP/Archives

Le gendarme allemand de la concurrence a restreint jeudi l'exploitation par Facebook des données de ses utilisateurs, en lui interdisant de piocher d'autorité dans les informations collectées par des sites tiers ou des filiales comme Instagram et Whatsapp.

"Facebook ne peut plus contraindre ses utilisateurs à accepter une collecte quasiment illimitée de leurs données", qui place le géant américain en "position dominante", a résumé face à la presse le patron de l'Office anticartel allemand, Andreas Mundt.

Concrètement, le groupe devra solliciter "l'accord explicite" de ses quelque 30 millions d'utilisateurs allemands avant de rattacher à leur compte les données obtenues via des applications qui lui appartiennent, comme Instagram et Whatsapp, ou grâce au bouton "J'aime" inséré sur des pages internet tierces.

Chacune de ces sources extérieures pourra continuer à accumuler des informations personnelles, mais il ne sera plus possible pour Facebook de les "fusionner" sur la seule base de ses conditions générales d'utilisation, explique M. Mundt.

Le groupe californien devra soumettre "dans les quatre mois" une modification de ses paramètres au Bundeskartellamt, qui devra ensuite l'"approuver", pour une mise en œuvre au plus tard d'ici un an. Faute de quoi Facebook s'expose à une amende pouvant atteindre 10 millions d'euros par mois.

- Facebook conteste -

Plus largement, selon M. Mundt, il s'agit de "contraindre les géants de la tech à adapter leur modèle économique", reposant sur l'exploitation de données personnelles à des fins publicitaires, "au droit de la concurrence" limitant la concentration de telles informations par un seul acteur.

Le Bundeskartellamt avait lancé ses investigations mi-2016, reprochant au géant américain de collecter auprès de réseaux tiers -- Instagram, Whatsapp, Twitter et d'autres sites -- des masses d'informations sur ses usagers à leur insu.

Dans un communiqué, Facebook a annoncé son intention de faire appel, jugeant que l'Office anti-cartel "fait une mauvaise application" du droit en sous-estimant la concurrence dont il fait l'objet en Allemagne de la part de "YouTube, Snapchat ou Twitter".

"La popularité n'est pas synonyme de domination du marché", se défend le groupe, rappelant qu'il a par ailleurs déjà modifié ses paramètres de confidentialité il y a moins d'un an pour les mettre en conformité avec le Règlement européen de protection des données (RGPD).

Bitkom, la fédération allemande des entreprises numériques dénonce une mesure qui pénalisera, selon elle, les "plus petits", à savoir les sites tiers qui peuvent faire connaître leurs offres au grand public grâce à ces boutons "like".

La fédération dénonce également l'activisme de l'Allemagne en matière de réglementation des exploitations de donnée, alors que ces décisions sont censée être prises et harmonisées au niveau européen depuis la mise en place en mai du RGPD (Règlement général sur la protection des données).

Le contrôleur européen de la protection des données -autorité indépendante au sein de l'UE - estime que cette dénonciation allemande n'est "que le sommet de l'iceberg" et que toutes les "sociétés qui s'appuient sur le profilage, la localisation et le ciblage doivent être sur leurs gardes".

"Les droits fondamentaux sont en péril quand des groupes si puissants déterminent seules leurs moyens et objectifs en terme de collecte de données", juge le contrôleur européen Giovanni Buttarelli.

- Année de polémiques -

Enfin, Facebook, dont le siège européen est basé à Dublin, estime relever de l'Autorité irlandaise de protection des données personnelles et non du gendarme anticartel allemand.

Le géant californien, qui fêtait lundi ses 15 ans, sort d'une année 2018 marquée par une série de polémiques, à commencer par le scandale Cambridge Analytica, soit l'exploitation à des fins politiques de données d'utilisateurs de Facebook à leur insu, notamment pendant la campagne présidentielle de Donald Trump.

Ce scandale, ainsi que la mise en place du RGPD en mai dernier, vaut à Facebook d'être particulièrement dans le viseur des régulateurs.

Soucieux de rassurer annonceurs, usagers et investisseurs, Mark Zuckerberg a défendu une nouvelle fois mi-janvier, dans plusieurs journaux internationaux, son modèle économique fondé sur la publicité et donc la collecte de données personnelles qui lui est associée.

"Nous ne vendons pas les données des gens", a-t-il répété.

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