L'assurance emprunteur, discrète bataille entre banques et assurances

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Par AFP
Publié le 27 octobre 2017 - 18:19
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Marie-Anne Barbat-Layani, directrice générale de la Fédération bancaire française (FBF), à Paris le
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Marie-Anne Barbat-Layani, directrice générale de la Fédération bancaire française (FBF), à Paris le 9 mai 2010
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Convoitée de longue date par les assureurs, la possibilité pour les clients bancaires de renégocier chaque année leur assurance emprunteur entrera en vigueur début janvier, au grand dam des banques qui voient s'éloigner de juteuses recettes et mènent une farouche résistance contre le dispositif.

Principal reproche formulé par les bancassureurs, la nouvelle disposition concernera aussi bien les nouveaux contrats que ceux déjà existants, qui seront concernés de manière rétroactive.

Cela "bouleverse considérablement l'équilibre économique global des crédits immobiliers" en remettant en cause le principe "de mutualisation et de solidarité au sein des contrats", a dénoncé auprès l'AFP Marie-Anne Barbat-Layani, directrice générale de la Fédération bancaire française (FBF).

Ce nouveau cadre met "en péril le système actuel d'assurance emprunteur, notamment dans le crédit immobilier qui fonctionne plutôt bien en France avec des taux bas, une accessibilité forte et une grande sécurité pour les emprunteurs et prêteurs", ajoute Mme Barbat-Layani.

Selon elle, cette évolution risque d'augmenter le coût du crédit pour les emprunteurs présentant les moins bons profils de risques, c'est-à-dire les plus âgés, les moins aisés ou ceux dont la santé est fragile.

Saisi durant l'été par la FBF et une poignée de grands groupes, le Conseil d'Etat s'est tourné début octobre vers le Conseil constitutionnel, qui dispose de trois mois pour évaluer le bien-fondé de cette mesure.

- Fortes marges -

"C'est de bonne guerre, on ferait pareil", s'amuse un assureur sous couvert d'anonymat, notant que les bancassureurs ne se sont pas privés pour prendre pied sur les marchés de l'assurance santé, habitation ou automobile lorsque ceux-ci ont été ouverts à la concurrence quelques années plus tôt.

L'enjeu est de taille: le montant des cotisations au titre des contrats d'assurance emprunteur a représenté une manne de 8,8 milliards d'euros en 2016, dont les trois quarts pour des crédits immobiliers, d'après la Fédération française de l'assurance.

Selon une étude récente du courtier Réassurez-moi, la marge moyenne réalisée par les banques sur les produits d'assurance emprunteur avoisine un taux de 40%, mais peut même aller jusqu'à 70% pour des emprunteurs jeunes et en bonne santé.

"Ce marché est un oligopole bancaire, étant donné que dans 88% des cas, cette assurance obligatoire est vendue par la banque elle-même", explique Antoine Fruchard, fondateur de Réassurez-moi.

"De longue date, nous avons identifié le fait que l'assurance emprunteur est un point d'insatisfaction fort pour nos clients, qui payent des prix bien trop élevés au regard des coûts du marché", renchérit auprès de l'AFP un assureur.

Depuis les lois Lagarde, votée en 2011, et Hamon, en 2014, les clients bancaires ont pourtant la possibilité de souscrire une assurance à meilleur marché en dehors de la banque auprès de laquelle ils empruntent, lors de la signature ou jusqu'à un an après. Dans les faits, peu de clients ont recours à cette possibilité.

- 2,8 milliards d'économies -

Voté en février, l'amendement Bourquin autorisera à partir du 1er janvier 2018 tous les emprunteurs, anciens ou nouveaux, à renégocier chaque année leur contrat d'assurance et ce pendant toute la durée d'un prêt immobilier.

"Il y a eu du lobbying d'un certain nombre d'assureurs qui veulent récupérer une partie des contrats, notamment ceux en cours qui deviennent très rentables quand une partie du capital a été remboursée et que le risque de défaut devient peu probable", s'étrangle une source proche du secteur bancaire.

Pour les ménages, cette mesure promet de redonner "entre 500 et 700 euros" de pouvoir d'achat par an sur des contrats dont la durée peut aller jusqu'à 25 ans, avait estimé en début d'année Martial Bourquin (PS), le sénateur à l'origine de cet amendement.

De son côté, le courtier Réassurez-moi chiffre à 2,8 milliards d'euros au total les économies qui pourraient être réalisées l'an prochain par les Français sur la durée de leurs prêts, soit en moyenne 6.310 euros d'économies par emprunteur.

"Les assureurs ne choisissent pas le bon combat", tance pourtant un banquier français, arguant que la baisse généralisée des tarifs, conséquence d'une plus grande concurrence sur ce marché, risque in fine d'aboutir à l'exclusion des emprunteurs les plus à risque.

"Le service que rendent les banques dans l'assurance emprunteur est actuellement le meilleur du monde. Nous regretterons dans dix ans d'avoir collectivement déréglé ce marché", assure ce même banquier.

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