Le chinois Tencent détrône Facebook en Bourse

Le chinois Tencent a détrôné mardi l'américain Facebook en termes de capitalisation boursière, intégrant le club des cinq plus gros groupes cotés du monde: avec Baidu et Alibaba, il incarne l'irrésistible ascension des mastodontes technologiques du pays face à la Silicon Valley.

Opérateur de jeux vidéo et de la messagerie populaire WeChat, omniprésente en Chine, Tencent se hisse au niveau de ses rivaux californiens: il est devenu le premier groupe technologique asiatique valorisé plus de 500 milliards de dollars.

Son titre à la Bourse de Hong Kong s'est envolé de 130% cette année et la publication la semaine dernière de robustes résultats trimestriels, dévoilant la plus forte croissance de ses revenus depuis sept ans, a poussé l'action vers de nouveaux sommets, près de 440 dollars hongkongais en séance.

Résultat: la valorisation de Tencent atteignait mardi en clôture l'équivalent de 523 milliards de dollars américains, dépassant d'un cheveu les 519 milliards de dollars de Facebook.

Ce sursaut lui permet d'intégrer les cinq plus grosses valorisations du globe, derrière les américains Amazon, Microsoft, Alphabet (maison mère de Google). Il reste néanmoins loin du numéro un Apple (quelque 870 milliards de dollars, après avoir brièvement atteint 900 début novembre).

- Paiement électronique -

Facebook et Tencent ne sont pas étrangers l'un à l'autre: le réseau social américain est banni en Chine par une censure draconienne, ce qui a laissé le champ libre à WeChat pour prospérer, à coup d'innovations qui ont bouleversé le paysage technologique local.

WeChat offre des fonctionnalités voisines de Facebook: messages instantanés, partage de liens et de photos, jeux, fils d'information... Mais il intègre également un système de paiement électronique très prisé permettant de régler des transactions en ligne ou en magasin avec son téléphone.

Renvoyer dos à dos les valorisations de Facebook et Tencent, "actifs sur des marchés différents", "n'a pas beaucoup de sens", s'agace Huang Hao, chercheur en stratégie économique à l'Académie chinoise des sciences sociales.

"En revanche, la capitalisation boursière peut refléter (...) la reconnaissance par le marché du modèle économique de Tencent, de sa rentabilité, de ses perspectives", explique-t-il à l'AFP.

De fait, Tencent a brillé au troisième trimestre, avec une hausse de 61% de son chiffre d'affaires (8,4 milliards d'euros), tandis que son bénéfice net s'envolait de 70%, surpassant de loin les prévisions des analystes et alimentant l'euphorie des investisseurs.

Sur la même période, Facebook a d'ailleurs engrangé des revenus équivalents (10,3 milliards de dollars, 8,8 milliards d'euros).

WeChat revendiquait fin septembre près de 1 milliard d'usagers mensuels actifs (+15% sur un an), essentiellement chinois, et les jeux vidéo mobiles contribuent à tirer les résultats de Tencent, avec le succès spectaculaire de "Honour of Kings".

Ce jeu de combat pour smartphone a été des mois durant le plus téléchargé sur l'AppStore chinois d'Apple. Signe de son envahissante popularité: l'armée chinoise l'avait accusé en août de dissiper l'énergie des soldats...

- Champions nationaux -

Vu la domination de Tencent dans la messagerie et les jeux mobiles, ses perspectives de croissance des recettes publicitaires - qui ont bondi de 50% au dernier trimestre - et le boom des services de paiement électronique, une valorisation accrue du groupe serait même justifiée, estiment les experts de Barclays.

Né à la fin des années 1990, Tencent avait connu le succès avec la messagerie en ligne QQ, équivalent du MSN de l'américain Microsoft. Introduit à la Bourse de Hong Kong en 2004, son titre s'échangeait alors autour... d'un dollar hongkongais.

Le groupe s'est ensuite imposé parmi les fleurons technologiques du pays, aux côtés du moteur de recherche Baidu et du géant du commerce en ligne Alibaba. Celui-ci, coté à New York, voit également sa valorisation grimper: elle atteint 480 milliards de dollars.

Ces trois champions nationaux ont en commun d'avoir été protégés d'un puissant concurrent étranger par des réglementations favorables: Google a quitté le pays face à la censure et Amazon n'y a jamais vraiment décollé.

L'essentiel de leurs activités reste concentré en Chine. Pour autant, comme ses compatriotes, Tencent affiche ses ambitions internationales: il a pris une participation de 5% dans Tesla, l'expert américain de l'auto électrique, et a récemment accru sa participation dans Snap, maison mère de la messagerie mobile Snapchat.