Les tempêtes boursières, sujet de choix pour la littérature

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Par Marie-Morgane LE MOEL - Paris (AFP)
Publié le 16 février 2018 - 08:00
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L'écrivain Eric Reinhardt, auteur du roman "Cendrillon", ici à Manosque le 23 septembre 2016
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© JOEL SAGET / AFP/Archives
L'écrivain Eric Reinhardt, auteur du roman "Cendrillon", ici à Manosque le 23 septembre 2016
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Des marchés qui s'effondrent, des indices qui s'affolent et des investisseurs pris de fièvre: les tempêtes boursières qui balaient régulièrement les places financières, peu goûtées des opérateurs, offrent pourtant un sujet de choix aux romanciers.

A priori, peu de choses rapprochent le monde de la finance de celui de la littérature, et pourtant cette dernière se nourrit depuis longtemps des malheurs des traders.

Avec son jargon, son fonctionnement opaque pour le grand public et ses crises en montagnes russes, le secteur est un terreau d'inspiration, et ce quasiment depuis la création des places financières modernes.

En premier lieu car la Bourse offre des personnages captivants, spéculateurs pleins de vie pris par la fièvre du jeu. Que ce soit le personnage d'Aristide Saccard dans d'Emile Zola (1891), celui de chez Irène Némirovsky (1929) ou de Laurent Dahl dans Cendrillon d'Eric Reinhardt (2007), le trader fascine.

"Après l'avare, le personnage du spéculateur apparaît au 19e siècle. Ces personnages, incarnant un désir d'argent poussé au paroxysme, représentent quelque chose qui parle à tout le monde", souligne auprès de l'AFP Claire Pignol, maître de conférences en économie à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, rappelant une citation de Balzac: "Où est l'homme sans désir, et quel désir social se résoudra sans argent?".

"Ce sont des ressorts universels, il n'y a rien de plus humain que les mécanismes présidant à la finance. Les traders veulent gagner de l'argent, et chacun peut être gagné par cette fièvre, sauf que nous ne sommes pas dans le métier. Mais si on le faisait, on le ferait de la même façon", explique à l'AFP Eric Reinhardt, qui a enquêté auprès de spécialistes des hedge funds pour écrire .

"La spéculation est un thème romanesque, c'est pourquoi Zola parvient à en faire un roman qui séduit. Il y a quelque chose de dramatique dans le personnage du spéculateur, qui est un homme qui va plus loin que les autres", relève de son côté Alain Pagès, spécialiste de Zola, professeur émérite à la Sorbonne nouvelle.

- "Bulle fascinante" -

Parier à la baisse ou à la hausse au risque de perdre sa fortune dans des bulles spéculatives: si les mécanismes sont devenus plus complexes au fil des ans, les ressorts restent les mêmes, que ce soit à l'époque de la crise de la tulipe du XVIIe siècle aux Pas-Bas, ou à celle de la bulle internet des années 2000 étudiée par Eric Reinhardt.

"La bulle est fascinante: comment une chose complètement vide, qui se donne pour prometteuse, n'arrête pas de prendre de la valeur?", interroge le romancier.

"Dans , Zola oppose une finance spéculative, qui produit de l'argent pour l'argent, à un autre usage qu’il défend: l’argent producteur de richesse, source de grands travaux et de développement économique", rappelle M. Pagès.

" était peut-être un roman difficilement lisible il y a quinze ans, mais aujourd'hui il est moins austère qu'il ne pouvait l’être avant la crise de 2008", estime-t-il.

Pour parvenir à évoquer ce milieu, les romanciers s'astreignent à plonger dans un monde de spécialistes.

" est très technique, Zola va aussi loin que possible, il interroge les agents de change", explique M. Pagès.

"Il n'y a rien de pire que de se faire taxer d'angélisme. J'avais envie d'un livre impartial", souligne Eric Reinhardt, qui s'est rendu à Londres pour se documenter auprès de traders, reconstituant la courbe ascendante d'un titre durant la bulle des dot.com.

Entre des ressorts éminemment dramatiques et des personnages extrêmes, un autre élément fait de la Bourse un sujet romanesque entre tous: son jargon unique.

"Short", "long", "front office": "Il y a une richesse lexicale qui procure un grand plaisir", juge Eric Reinhardt.

"Cela crée une opacité qui rend l'affaire mystérieuse, et qui rend compte d'un mystère réel", commente Claire Pignol.

Un sujet de prédilection donc, même si parfois les romanciers eux-mêmes finissent par s'y laisser happer. Marcel Proust a ainsi perdu une partie de sa fortune dans des investissements boursiers: le romancier avait la fâcheuse habitude de choisir ses actions en fonction de leurs noms exotiques.

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