Merkel porte un coup à un gazoduc russo-allemand au nom de l'Ukraine

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Par AFP - Berlin
Publié le 10 avril 2018 - 14:25
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"Un projet sans clarté sur le rôle de l'Ukraine dans le transit n'est pas possible", a estimé la chancelière allemande Angela Merkel
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© Odd ANDERSEN / AFP/Archives
"Un projet sans clarté sur le rôle de l'Ukraine dans le transit n'est pas possible", a estimé la chancelière allemande Angela Merkel
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La chancelière Angela Merkel a mis un coup de canif inattendu mardi à un projet de gazoduc sous-marin stratégique pour Moscou, réclamant de pérenniser le rôle de l'Ukraine dans le transit du gaz russe vers l'Europe.

L'annonce intervient dans un contexte de tensions croissantes entre la Russie et l'Occident, notamment en raison du conflit dans l'Est de l'Ukraine opposant séparatistes pro-russes et les forces du gouvernement pro-occidental à Kiev.

Au sein de l'Union européenne, Pologne en tête, le projet de gazoduc Nord Stream 2 est très critiqué en raison de l'importance politico-économique qu'il revêt pour la Russie. Le tube contournerait en effet l'Ukraine, actuellement une terre de transit essentiel pour le gaz russe vendu à l'Europe.

Berlin assurait jusqu'ici qu'il s'agissait d'une infrastructure purement "commerciale" et avait même levé fin mars les derniers obstacles à la construction de ce gazoduc reliant Russie et Allemagne via la mer Baltique, en complément de Nord Stream 1.

"Il y a aussi des facteurs politiques à prendre en considération", a finalement admis la chancelière lors d'une conférence de presse conjointe à Berlin avec le président ukrainien Petro Porochenko.

"Un projet sans clarté sur le rôle de l'Ukraine dans le transit n'est pas possible", a-t-elle ajouté.

L'annonce inattendue de Mme Merkel laisse donc présager un nouveau contentieux avec Moscou, alors que les tensions russo-occidentales n'ont cessé de croître. Outre l'Ukraine, les deux camps s'opposent sur la guerre en Syrie et l'empoisonnement à Londres d'un ex-agent double.

La chancelière a concédé que le projet de gazoduc ne changeait rien à l'importante dépendance de l'Europe à l'égard du gaz russe. Il s'agit donc de garantir à Kiev la manne des droits de transit terrestre payés par Moscou à l'heure ou la Russie tente de l'en priver.

- Blocus russe de l'Ukraine -

Dans un entretien au quotidien allemand Handelsblatt, M. Porochenko avait accusé lundi la Russie de vouloir imposer un "blocus économique et énergétique" à l'Ukraine via ce tube sous-marin.

"Le projet est sans fondement économique", assurait-il, estimant que Nord Stream 2 est un "projet politique financé par la Russie" et que la modernisation du réseau trans-ukrainien était possible à un moindre coût.

Lancé en 2005 au temps de relations plus chaleureuses entre Berlin et Moscou, le projet Nord Stream avait pour objectif de mettre l’approvisionnement en gaz de l'Europe à l'abri des conflits gazier à répétition opposant Moscou et Kiev.

Nord Stream 1 a été mis en service en 2011, et Nord Stream 2 est censé doubler l& capacité à 55 milliards de m3 fin 2019.

Mais le chantier du deuxième gazoduc cristallise les tensions au sein de l'Union européenne, la Commission européenne et plusieurs pays d'Europe de l'Est souhaitant réduire leur dépendance via du géant russe Gazprom.

La consommation de gaz russe en Europe ne cesse de croître d'année en année, sa part de marché représentant en 2017 35% dans l'UE des 28. En Allemagne, elle flirte avec les 60%.

Et la Russie cherche à renforcer de cette dépendance. Le gazoduc TurkStream vise ainsi à renforcer les livraisons à la Turquie et à en faire un pays de transit vers le sud de l'Union européenne, toujours pour contourner l'Ukraine. Sa mise en service est prévue fin 2019 par Gazprom.

L'Ukraine et la Russie ont déjà connu plusieurs "guerres du gaz", dont certaines avaient perturbé les fournitures russes à plusieurs pays européens.

Les tensions entre les deux pays se sont exacerbés début 2014 avec le renversement du président pro-russe Viktor Ianoukovitch par la rue ukrainienne, entraînant l'annexion russe de la Crimée et au conflit dans l'est du pays.

Durant leur conférence de presse, Mme Merkel et M. Porochenko ont d'ailleurs une fois de plus dénoncé des violations répétées du cessez-le-feu dans l'est de l'Ukraine.

Berlin et Paris sont médiateurs mais les accords de paix de Minsk n'ont jamais débouché sur un arrêt durable des hostilités.

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