Quand l'Ecosse s'inquiète de devenir un paradis fiscal

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Par Mark MCLAUGHLIN - Édimbourg (AFP)
Publié le 18 janvier 2018 - 08:00
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Immeuble qui abrita une centaine de SLP (partenariats à responsabilité limitée écossais) au 78 rue Montgomery, à Edimbourg, le 18 janvier 2018
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© Andy Buchanan / AFP
Immeuble qui abrita une centaine de SLP (partenariats à responsabilité limitée écossais) au 78 rue Montgomery, à Edimbourg, le 18 janvier 2018
© Andy Buchanan / AFP

Bien malgré elle et la faute à une structure financière vieille d'un siècle, l'Ecosse est devenue un aimant à argent sale, une situation à laquelle ses dirigeants aimeraient bien pouvoir remédier.

En cause, les partenariats à responsabilité limitée écossais, ou SLP, qui ont vu le jour en 1907 et servaient à la base à conclure les contrats de fermage dans l'agriculture.

Loin du monde de la ferme, ces structures un peu obscures sont aujourd'hui utilisées essentiellement comme fonds de placement privé ou d'investissement en capital-risque. Et parce qu'elles permettent à leurs propriétaires de rester anonymes et de ne pas payer d'impôts, elles sont devenues le moyen privilégié pour blanchir des milliards de livres en provenance des ex-Républiques soviétiques.

A Piton, dans la banlieue d'Edimbourg, la seule Royston Mains Street domicilie pas moins d'une centaines de SLP, dont Fortuna United, accusée d'être à l'origine d'un détournement de fonds de plus de 800 millions d'euros au détriment de la Moldavie en 2014, selon l'ONG Transparency International.

Les SLP ont également servi à blanchir de l'argent pour le compte de Russes et d'Azerbaïdjanais, selon les révélations du consortium de journalistes OCCRP.

Plus récemment, une enquête commune d'Al Jazeera et du journal The Herald a fait le lien entre ces SLP et 1,5 milliard de livres d'avoirs saisis auprès des associés du président ukrainien renversé Viktor Yanukovych.

"Nous avons conscience que les SLP servent au blanchiment d'argent et nous travaillons avec nos agences partenaires pour résoudre le problème", a déclaré un porte-parole de l'Agence nationale de la criminalité (NCA).

- 'Attractives pour les usages illégaux' -

Les SLP peuvent posséder des actifs et obtenir des prêts, comme un particulier. Elles peuvent s'enregistrer comme un partenariat entre deux sociétés et jusqu'à l'an dernier il n'y avait pas obligation de révéler qui était derrière.

"Ce qui les rend attractives pour un usage légitime dans le secteur des fonds les rend aussi attractive pour les usages illégaux", dit à l'AFP Stephen Chan, avocat spécialisé du cabinet Harper Macleod.

Selon Ben Cowdock, expert en SLP au sein de Transparency International, plus de 5.000 de ces structures étaient enregistrées en 2015 contre 612 en 2009. Et plus de 70% de celles enregistrées en 2016 étaient contrôlées par des sociétés anonymes basées au Belize, aux Seychelles ou en Dominique, selon les chiffres de l'ONG .

Le gouvernement britannique a changé sa réglementation l'an dernier pour obliger les SLP à identifier leurs propriétaires, une exigence purement ignorée par certains.

"Si vous voulez à tout prix blanchir de l'argent, c'est encore un moyen très attractif parce que c'est bon marché et facilement vendable, et vous pouvez fournir des informations fausses", souligne M. Cowdock.

Companies House, une agence gouvernementale, affirme que le gouvernement "étudie la nécessité de nouvelle mesures pour empêcher que les partenariats limités soient utilisés pour des activités illégales".

- 'Clairement insuffisant' -

Alison Thewliss, membre du Parti national écossais (SNP) qui milite pour une modification de la loi, estime que ces SLP douteux sont "préjudiciables à la réputation de l'Ecosse" qui n'a pas envie d'être rangé parmi les paradis fiscaux.

Mais le gouvernement régional écossais n'a pas le pouvoir de faire quoi que ce soit, le droit des sociétés étant régi par Londres.

"Le gouvernement britannique a convenu de mettre fin à certaines failles mais c'est clairement insuffisant", déclare Mme Thewliss à l'AFP.

David Young, de la firme juridique Pinsent Masons, espère cependant que la controverse ne portera pas préjudice aux SLP dans leur ensemble, qu'il juge utiles pour protéger l'exposition d'investisseurs.

"La lutte contre le blanchiment d'"argent doit se poursuivre mais l'outil lui-même ne pose pas problème", estime-t-il.

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