Stuttgart, berceau de l'automobile divisé face à la pollution

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Par Estelle PEARD - Stuttgart (Allemagne) (AFP)
Publié le 20 février 2018 - 09:20
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Un militant de Greenpeace manifeste à Stuttgart, dans le sud-ouest de l'Allemagne, le 19 février 2018
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© Sebastian Gollnow / dpa/AFP
Un militant de Greenpeace manifeste à Stuttgart, dans le sud-ouest de l'Allemagne, le 19 février 2018
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"L'air est mauvais, on tousse et on a la gorge qui gratte, surtout les mois d'hiver", se désespère Peter Erben devant le Neckartor de Stuttgart (sud-ouest), l'un des carrefours les plus pollués d'Allemagne.

Derrière le quinquagénaire, un flot de berlines, de 4X4 urbains et de camions défile sur quatre voies au pied d'immeubles centenaires aux façades noircies, sur cet axe central menacé par la justice de restrictions de circulation.

Ici comme dans plusieurs dizaines d'autres communes allemandes, les dépassements des seuils autorisés de dioxyde d'azote, un gaz nocif pour la santé principalement émis par les voitures, diesel en particulier, sont monnaie courante depuis des années.

Face à l'impatience des habitants, dont certains l'ont poursuivie en justice, mais aussi des associations écologistes et de la Commission européenne, la municipalité pourrait bientôt devoir interdire dans certaines zones les voitures diesel les plus anciennes. Cette mesure, que le gouvernement allemand et la puissante industrie automobile cherchent à éviter à tout prix, est la hantise des automobilistes et des milieux économiques.

Qu'importe. "Le moment est venu de faire quelque chose contre la pollution", exhorte M. Erben, l'un des porte-parole de l'Association citoyenne Neckartor, un collectif d'une trentaine de riverains créé en 2006.

- Voiture reine -

La qualité de l'air près du Neckartor s'est certes améliorée l'an dernier, mais le niveau annuel moyen de dioxyde d'azote reste le plus élevé du pays après un axe routier de Munich, avec 73 microgrammes/m3, pour un seuil autorisé par l'Union européenne de 40 microgrammes.

"Inacceptable" pour celui qui vit depuis plus de dix ans à environ 200 mètres d'une route nationale qui fend Stuttgart du nord au sud, en longeant écoles et commerces de proximité.

La prise de fonction en 2013 de Fritz Kuhn, le premier maire écologiste d'une capitale régionale allemande, avait une forte portée symbolique dans cette métropole marquée par la présence historique des entreprises Daimler, Porsche et Bosch.

Handicapée par sa situation en cuvette et par la mauvaise circulation de l'air, la ville a depuis accru ses efforts pour combattre la pollution, en doublant le budget alloué à la création de pistes cyclables ou en augmentant le nombre de bus électriques et hybrides.

Mais après des décennies d'immobilisme environnemental, dans une métropole où la voiture reste sacrée, la tâche est encore immense.

"On nous demande de régler des problèmes hérités des 40 dernières années", déplore Anna Deparnay-Grunenberg, à la tête des Verts à la mairie de Stuttgart.

- Louvoiements -

Pour installer de nouvelles lignes de bus, il faut se battre "parking par parking" pour faire de la place sur la voirie, face aux réticences d'une partie de la population mais aussi des autres partis avec qui les écologistes sont forcés de composer. "On a une majorité changeante au sein de la Ville et à chaque projet, il faut rediscuter" pour trouver des alliés, explique l'élue.

Dans une culture politique pétrie de concertation, les Verts doivent souvent se contenter d'avancer "à petits pas", admet-elle.

Au niveau régional, l'action des Verts est entravée par leur coalition avec les conservateurs du parti CDU, très à l'écoute des intérêts de l'industrie automobile locale, qui représente plus de 200.000 emplois dans la région et 800.000 en Allemagne.

Des louvoiements que ne tolère plus Peter Erben. "Nous voulons des mesures immédiatement, et il n'y a pas de mesure aussi immédiate que la diminution de la circulation", affirme le militant.

Depuis l'instauration d'une "zone écologique" en 2008, une petite partie des véhicules les plus polluants sont bannis du centre-ville. M. Erben souhaite voir ces interdictions de circulation étendues aux véhicules diesel commercialisés jusqu'en 2015, ce qui permettrait de réduire rapidement le niveau de dioxyde d'azote.

L'Etat régional, censé veiller à la qualité de l'air, ainsi que la municipalité réclament au gouvernement fédéral une "vignette bleue", un mécanisme qui leur donnerait, selon eux, la base légale pour édicter de telles interdictions de circulation. La Cour fédérale administrative de Leipzig (est) doit rendre une décision très attendue ce jeudi.

Mais pour le militant, réglementer la circulation ne peut être qu'une étape: il appelle à réinventer la mobilité urbaine en donnant à la voiture individuelle une place beaucoup moins centrale.

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