A Téhéran, "pas moyen de trouver des dollars"

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Par Eric RANDOLPH - Téhéran (AFP)
Publié le 10 avril 2018 - 17:41
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Des Iraniens tentent vainement d'acheter des dollars, le 10 avril 2018 à Téhéran
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© ATTA KENARE / AFP
Des Iraniens tentent vainement d'acheter des dollars, le 10 avril 2018 à Téhéran
© ATTA KENARE / AFP

"J'ai fait tous les bureaux de change, il n'y a pas moyen de trouver des dollars." Comme Tahmoures Faravahar, de nombreux habitants de Téhéran se sont rués chez les cambistes dans l'espoir de trouver des billets verts à un prix abordable. Mais ils ont fait chou blanc et beaucoup expriment leur colère, quelques heures après l'instauration d'un taux de change fixe entre le dollar et le rial iranien.

Le gouvernement a décrété ce taux de change fixe pour enrayer la chute de la monnaie nationale, qui a perdu plus de 30% de sa valeur face au billet vert en six mois.

La chute est nourrie par un mouvement de spéculation basé sur la crainte d'un effondrement encore plus marqué de la monnaie nationale si le président américain Donald Trump exécute sa menace de retirer en mai les Etats-Unis de l'accord international sur le nucléaire iranien.

Cet accord, conclu en 2015, vise à empêcher l'Iran de se doter l'arme atomique. Donald Trump n'a cessé de le critiquer même si l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) estime que Téhéran "remplit ses engagements". Un retrait des Etats-Unis entraînerait la réimposition de certaines sanctions économiques.

Depuis mardi, l'Iran n'autorise plus que les échanges au taux de 1 dollar pour 42.000 rials iraniens. La veille, il fallait encore débourser jusqu'à 60.000 rials sur le marché libre pour espérer acquérir un dollar.

Espérant acheter des billets verts au nouveau taux plus avantageux, des centaines de personnes ont afflué dans la rue Ferdowsi, au centre de Téhéran, qui compte des dizaines de banques et de bureaux de changes.

Mais sur les devantures, ils n'ont souvent trouvé que le panneau suivant: "Nous n'avons pas de dollars à vendre".

"J'étais venu pour acheter des dollars pour mon fils qui vit à l'étranger", explique Tahmoures Faravahar, un retraité de 71 ans qui a dû repartir bredouille.

- "Tout est au plus bas" -

"Les gens n'ont pas d'espoir sur la situation politique et économique du pays. Ils sont confus et veulent juste sécuriser leurs avoirs en obtenant des dollars" contre leur rials, explique un cambiste sous couvert d'anonymat.

Un bureau de change a indiqué ne pas avoir reçu de dollars de la Banque centrale et ne pas savoir quand elle lui en délivrerait.

"Le nouveau taux de change est correct. Ce qui se passait ces derniers jours n'était pas normal", témoigne un des employés sous couvert d'anonymat, en référence à la spéculation ayant fait chuter le cours de la monnaie nationale.

Pour un autre cambiste de rue, des gens ont essayé de gagner de l'argent en achetant des dollars pour les revendre ensuite plus chers.

"Tout est au plus bas sur les marchés, sauf le dollar. L'immobilier est au plus bas, le commerce est au plus bas, les gens ont besoin d'un revenu et pour eux c'était une bonne idée d'acheter puis de revendre des dollars pour se faire de l'argent", explique-t-il.

Selon lui, ces gens trouveront un moyen de contourner le nouveau taux de change officiel fixe qui est en leur défaveur, même si le vice-président iranien Eshagh Jahangiri a mis sévèrement en garde contre ce genre de pratiques.

"Nous ne reconnaissons aucun autre taux de change et à partir de [mardi], nous considérerons comme de la contrebande tout autre taux de change sur le marché", a-t-il martelé après une réunion d'urgence du gouvernement.

Comparant toute tentative d'obtenir ou de vendre des dollars à un autre taux au "trafic de drogue", il a ajouté que "la justice et les forces de sécurité s'occuperont" d'éventuelles violations.

Un homme d'une quarantaine d'années tentant de vendre des dollars à la sauvette sur la rue Ferdowsi confie ne pas trouver d'acheteurs, contrairement à d'habitude.

Autre phénomène rare, les journalistes présents dans la rue Ferdowsi pour couvrir la vaine quête des habitants pour le billet vert n'ont pas été approchés, comme cela se fait souvent, par les forces de sécurité pour des contrôles ou pour arrêter de filmer.

Un reporter s'étonne: "La police est tellement présente et personne ne nous demande rien."

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