"113 CV", "petits boulots" : en banlieue, la galère de l'emploi

Auteur:
 
Par Tiphaine LE LIBOUX et Eve SZEFTEL - Bobigny (AFP)
Publié le 11 juillet 2018 - 13:24
Image
Le gouvernement doit signer un "pacte" avec les entreprises pour lutter contre les discriminations à l'embauche et le chômage
Crédits
© PHILIPPE HUGUEN / AFP/Archives
Le gouvernement doit signer un "pacte" avec les entreprises pour lutter contre les discriminations à l'embauche et le chômage
© PHILIPPE HUGUEN / AFP/Archives

Des "petits boulots" qui s'enchaînent, "113 CV" envoyés pour trouver une alternance: alors que le gouvernement doit signer mercredi un "pacte" avec les entreprises pour lutter contre les discriminations à l'embauche et le chômage, des jeunes des quartiers en butte à la précarité témoignent.

- "Toi, t'es pas un vrai Noir" -

Junior, 26 ans, habitant de Bobigny. Surveillant dans un lycée et chef de rang dans un restaurant, il a commencé à travailler tout de suite après son bac STG. "J'ai fait plein, plein de jobs, dans l'animation, vendeur à Décathlon, dans le bâtiment".

"J'ai jamais eu de problème car ce ne sont pas des métiers où on fait attention à la couleur de peau ou à la localisation géographique".

"Mais j'ai des amis qui cherchent une alternance dans une banque" ou dans des secteurs recherchés, "là c'est beaucoup plus compliqué". "Les gens ont honte de dire qu'ils viennent d'un quartier".

Exemple des préjugés qui collent toujours à la peau des jeunes de banlieue. Un jour, un de ses responsables lui a dit, en guise de compliment: "ouais mais toi t'es pas un vrai Noir de quartier". "Je ne correspondais pas à ce qu'il avait dans la tête".

Pour changer les choses, il faudrait d'abord changer l'image des quartiers : "je comprends qu'ils aient des a priori car, à la télé, ils ne voient que des Noirs et des Arabes qui brûlent des scooters".

"S'ils voyaient qu'il y a des jeunes qui savent s'exprimer, qui sont totalement intégrés, ils verraient que ce n'est qu'une minorité".

- "Petits boulots" -

Mohammed Freih, 28 ans, surveillant dans un lycée d'Aubervilliers.

"J'ai l'impression qu'il n'y a pas de travail pour les jeunes comme nous mais je ne sais pas si c'est parce qu'on vient de banlieue. Des Arabes et des Noirs, il y en a plein qui bossent à l'aéroport" de Roissy-Charles-de-Gaulle.

Il a eu son bac pro en 2008, a fait un an de BTS. "J'ai été animateur de centre de loisirs, vendeur chez Celio, facteur. Des CDD, des trucs au black : ça fait 10 ans que je fais des petits boulots", témoigne ce père de famille.

Espérant un CDI, il s'est payé - 2.000 euros - une formation d'agent de sûreté aéroportuaire. "J'ai eu mon diplôme, j'ai fait un stage chez ICTS qui s'est super bien passé mais, au final, ils m'ont jamais proposé de contrat, ou seulement deux mois pendant l'été".

- "113 CV" -

Steven Charles, 26 ans, et Sofiane Hadji, 22 ans, membres fondateurs de l'Association des étudiants et professionnels de Bobigny.

L'un a envoyé "113 CV" pour trouver une alternance en BTS. L'autre a fini par "alpaguer un élu" dans la rue pour obtenir un stage pendant sa licence. Soucieux d'aider les jeunes qui peinent à s'insérer faute de réseau et d'informations, ils ont mis en place des ateliers de coaching et fait venir à Bobigny des personnalités du monde du travail, comme Louis Schweitzer, l'ex-PDG de Renault.

Quelque 200 jeunes y ont assisté et une "dizaine" ont trouvé depuis un emploi ou une formation, dans le journalisme, la comptabilité ou en tant que chauffeurs Uber.

- Pas de capital pour se lancer -

Installé à Sevran, Viktorin Gokpon, fondateur de "Premier conseil", un cabinet de conseil en création d'entreprises, note que les jeunes qui viennent le trouver "n'ont pas les moyens de leurs ambitions car ils n'ont pas de fonds propres" et les banques restent frileuses.

Au-delà du coaching, c'est d'un fonds d'investissement dédié dont ils auraient besoin. "Ils ont été à l'école, ils savent s'exprimer. Ils ne viennent pas avec une casquette à l'envers à un entretien d'embauche!".

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
bayrou
François Bayrou, baladin un jour, renaissant toujours
PORTRAIT CRACHE - François Bayrou, député, maire de Pau et plusieurs fois ministres, est surtout figure d’une opposition opportuniste. Éternel candidat malheureux à la...
20 avril 2024 - 10:45
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.