La commission sur les abus sexuels dans l'Eglise lance un appel à témoins inédit

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Par Karine PERRET - Paris (AFP)
Publié le 03 juin 2019 - 06:01
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Jean-Marc Sauvé, ancien vice-président du Conseil d'Etat et président de la commission qui porte son nom, à Paris, le 8 février 2018
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© JACQUES DEMARTHON / AFP/Archives
Jean-Marc Sauvé, ancien vice-président du Conseil d'Etat et président de la commission qui porte son nom, à Paris, le 8 février 2018
© JACQUES DEMARTHON / AFP/Archives

Une année entière pour recueillir des témoignages: la commission chargée d'enquêter sur les abus sexuels dans l'Eglise a lancé lundi un appel à témoins inédit, une démarche qui suscite des réactions mitigées chez des victimes.

Confronté à plusieurs scandales, l'épiscopat français avait décidé à l'automne 2018 de la création de cette commission indépendante, la Ciase, présidée par Jean-Marc Sauvé.

Elle aura la lourde tâche de faire la lumière sur les abus sexuels commis par des clercs ou des religieux sur des mineurs et des personnes vulnérables depuis les années 1950.

"Pour la première fois, en France, une institution indépendante va lancer, pendant un an, un appel à témoignages sur les abus sexuels", explique à l'AFP l'ancien vice-président du Conseil d'Etat Jean-Marc Sauvé.

M. Sauvé a promis que la commission constituée de 22 membres (juristes, médecins, historiens, sociologues, théologiens...), rendrait ses conclusions "fin 2020".

Pour recueillir la parole des victimes ou témoins, un numéro de téléphone (01.80.52.33.55) a été mis en place, avec des écoutants spécialement formés, en partenariat avec la fédération France Victimes.

Couplé à une adresse mail (victimes@ciase.fr) et une boîte postale, ce dispositif permettra de "recueillir de premières informations": "faits", "dates", "traces"...

"C'est une démarche importante pour ensuite apporter aux victimes un soutien psychologique ou juridique", ajoute Jean-Marc Sauvé.

Deuxième étape: il sera proposé aux témoins de répondre à un questionnaire anonyme, élaboré en concertation avec des associations de victimes, par la suite "traité par un institut de sondage et analysé par des chercheurs".

- Espérance et inquiétude -

Enfin, dernier volet, la commission, avec l'appui de chercheurs en sciences sociales, va mener "des entretiens semi-directifs" (auditions approfondies) auprès de personnes volontaires.

Avec ce dispositif, il s'attend à "des milliers d'appels". L'Australie, qui a mis sur pied le même dispositif sur trois ans, a reçu 40.000 réponses, pour une population de 25 millions d'habitants.

"Cette démarche, ça va dans le bon sens. Mais je ne sais pas si des gens qui ont été trahis par une autorité vont être enclins à aller témoigner", a commenté auprès de l'AFP François Devaux, président de l'association La parole libérée (scouts victimes du père Preynat dans la région lyonnaise).

"J'ai peur que cela fasse +pschitt+, comme les cellules d'écoutes" mises en place dans les diocèses, ajoute-t-il, estimant que la Commission Sauvé commet une erreur en n'incluant pas en son sein des représentants de victimes.

Olivier Savignac, représentant un collectif de victimes reçu à Lourdes par l'épiscopat à l'automne dernier, parle lui d"un grand jour".

"C'est la première fois qu'une aussi grande consultation est mise en place et on espère que les victimes vont répondre en masse", dit-il. "J'espère que les pouvoirs publics se saisiront de la question dans tous les domaines de la société".

"Ça donne de l'espérance pour briser le silence, mais aussi de l'inquiétude: des décisions seront-elles prises, après l'analyse faite par la Commission ?", estime quant à elle Véronique Garnier, membre de ce collectif.

Autre initiative lancée lundi: un recensement des archives des diocèses et congrégations religieuses, via un questionnaire à renseigner dans les six mois, ainsi qu'un travail auprès des archives de la justice et de la presse.

"Je ne pars pas battu", assure M. Sauvé alors que les archives de l'Eglise ont été ici ou là mal tenues, voire volontairement purgées.

La création de la Ciase (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Eglise) avait été décidée en novembre par la Conférence des évêques (CEF) après plusieurs scandales notamment à l'étranger, un texte du pape François l'été dernier appelant à lutter contre les "abus" et un débat sur la création d'une commission d'enquête parlementaire.

Craignant que cette commission "manque de moyens" et ait "un accès difficile aux archives", un rapport sénatorial publié la semaine passée a appelé à lui donner "une réelle capacité d'action".

Début mai, le pape François a changé la loi canonique pour rendre obligatoire le signalement de tout soupçon d'agression sexuelle ou de harcèlement à la hiérarchie de l'Eglise.

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