Achats de votes à Corbeil-Essonnes : "on a tordu les faits", plaide la défense

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Par Anne LEC'HVIEN - Paris (AFP)
Publié le 03 novembre 2020 - 19:52
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Jean-Pierre Bechter élu maire de Corbeil-Essonnes le 10 octobre 2009 félicité par son prédécesseur Serge Dassault (G), à Corbeil-Essonnes dans l'Essonne
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© Bernard Gaudin / AFP/Archives
Jean-Pierre Bechter élu maire de Corbeil-Essonnes le 10 octobre 2009 félicité par son prédécesseur Serge Dassault (G), à Corbeil-Essonnes dans l'Essonne
© Bernard Gaudin / AFP/Archives

Juger des personnes, pas un "système": au dernier jour du procès des soupçons d'achats de votes à Corbeil-Essonnes, la défense a brocardé mardi un dossier "vide", demandant la relaxe pour plusieurs proches de Serge Dassault qui comparaissent depuis un mois.

"Il y a des lois qui sont sacrées et immuables depuis plusieurs siècles: on ne juge pas les morts", lance d'emblée Me Pierre de Comble de Nayves.

En épilogue de ce procès en pointillé, le procureur financier a requis lundi deux à quatre ans de prison ferme, ainsi que 15.000 à 100.000 euros d'amende à l'encontre des six prévenus. Mais il a aussi demandé symboliquement 5 ans de prison "à titre posthume" pour Serge Dassault, décédé en 2018.

Cette réquisition post mortem est "typique" de ce dossier: "on estime qu'on est dans le camp du bien et qu'on peut tout se permettre", estime l'avocat de Machiré Gassama, 43 ans, soupçonné d'avoir été un intermédiaire du système de corruption électorale.

"Rumeurs" rapportées par des témoins, "enregistrements clandestins" utilisés comme preuve, "immixtion de la presse": ce dossier est "une poubelle procédurale et probatoire !" fustige le conseil.

"Il y a la conviction absolue qu'ils sont tous coupables, donc on trouvera bien une infraction quelconque à leur coller", affirme-t-il. Décortiquant les textes et les dates, il demande la relaxe "au bénéfice du droit".

- "poubelle vide" -

Pour l'accusation, il a existé, à l'occasion des élections municipales partielles de 2009 et 2010, une structure d'achat de votes avec des groupes de "militants" chargés de convaincre les habitants d'aller voter pour la liste majoritaire, en échange de dons, de promesses de logement ou d'emploi.

"Système Dassault", "organisation pyramidale": "tout ce champ lexical révèle que l'accusation est creuse", cingle Julien Andrez, avocat de l'ex-adjoint Jacques Lebigre, 79 ans.

"On parle de M. Lebigre comme le +porteur de valises+, mais aucun élément dans le dossier ne permet de confirmer cette rumeur", dit-il.

En ce qui concerne les chèques signés par l'ancien élu, "il y a 24 bénéficiaires" entre 2008 et 2009. "Sur ces 24, 15 seulement ont voté". Et "sur ces votants, seulement 4 ont été auditionnés", appuie le conseil.

Au cours du procès, M. Lebigre a lié ces chèques à la philanthropie de Serge Dassault, affirmant aussi que l'industriel avait été victime d'extorsion.

"On parlait tout à l'heure de dossier poubelle", "j'ai l'impression que cette poubelle est vide", glisse Me Andrez.

Un "dossier mal ficelé, où on a été paresseux", abonde Sébastien Schapira. "Une fois que MM. Dassault et Bechter ont été mis en examen et qu'il y a eu quelques articles de presse, on n'a pas travaillé", affirme l'avocat de l'ex-bras droit du milliardaire.

- "tordu le droit" -

Me Schapira revient sur chaque élément à charge contre l'ex-maire de 75 ans, les jugeant "fragiles". Il souligne qu'après dix ans d'instruction, il n'existe dans le dossier aucun témoignage d'électeur ayant voté pour M. Bechter à cause d'un don ou d'une promesse.

"On a tordu les faits, on a tordu le droit et on a terminé en voulant tordre la peine", lance-t-il, dénonçant les quatre ans requis contre son client.

Rappelant que M. Bechter a été élu "et bien élu" en 2014, il conclut: "Vous avez la possibilité de rendre un jugement qui fera honneur à la démocratie, qui respecte la présomption d'innocence, est exigeant avec la preuve et qui rende à M. Bechter son honneur".

Plus tôt, l'avocat de Younès Bounouara, autre cheville ouvrière présumée du système, a lui aussi interrogé: "Où sont tous ces gens qui ont reçu de l'argent ?"

Faisant le portrait d'un "gamin" du quartier populaire de la cité des Tarterêts, dont la vie a été transformée par sa rencontre avec le milliardaire, David-Olivier Kaminski a insisté sur la "relation" de son client avec M. Dassault, qui était "comme un père de substitution".

S'il décidait de le condamner, l'avocat a demandé au tribunal de prononcer une confusion de peine avec celle que le prévenu purge déjà depuis sept ans, pour une tentative de meurtre liée à ces soupçons d'achat de votes.

Décision le 17 décembre.

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