"Adulé" aux Etats-Unis, "oublié" en Europe : les Beaux-Arts de Lille "réhabilitent" Millet

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Par AFP
Publié le 13 octobre 2017 - 11:00
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Des visiteurs de l'exposition consacrée à Jean-François Millet devant "L'Angelus", le 12 octobre 201
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Des visiteurs de l'exposition consacrée à Jean-François Millet devant "L'Angelus", le 12 octobre 2017 au palais des Beaux-arts de Lille
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Oublié en Europe, adulé aux Etats-Unis et au Japon: Jean-François Millet (1814-1875), auteur de l'Angélus, un des tableaux les plus célèbres, fait l'objet d'une rétrospective sans précédent depuis un demi-siècle, au palais des Beaux-arts de Lille, visant à le "réhabiliter".

"C'est un peintre qui a été un peu oublié en France et en Europe, dont l'image a été brouillée par tous les produits dérivés les plus kitsch possibles qui ont donné une image un peu dévalorisante de son oeuvre", estime Bruno Girveau, directeur du musée.

"On va redécouvrir les tableaux au-delà de ces clichés: peintre paysan, des bergères par dizaines, oeuvre répétitive... Car c'est un artiste inventif, grand coloriste. C'est un exercice de réhabilitation", appuie-t-il. L'exposition s'ouvre vendredi jusqu'au 22 janvier.

Originaire du Cotentin, Millet, qui a grandi dans une famille de paysans aisés et pieux, se rend dans la capitale et y expose en 1848 "Un vanneur", sa première oeuvre marquante. Dans l'effervescence de la IIe République, qui accorde le suffrage universel, le tableau est même acheté par Ledru-Rollin, ministre du gouvernement provisoire, qui apprécie ce sujet naturaliste, inspiré du monde paysan.

Peu à l'aise avec les mondanités du "Tout-Paris", il préfère sa demeure à Barbizon, à la lisière de la forêt de Fontainebleau, où il se plaît à observer les paysans aux champs et s'occuper de ses enfants - il en aura neuf.

En 1859, il peint l'Angélus, considéré parfois comme l'oeuvre picturale la plus célèbre au monde après La Joconde, représentant un homme et une femme en train de prier dans un champ, une image incarnant l'éternel paysan, porteur des valeurs de la société traditionnelle, travailleuse et vertueuse. "Il travaillait beaucoup en atelier, avec sa mémoire" plutôt qu'en extérieur, note la commissaire Chantal Georgel, qui voit aussi en lui "un grand dessinateur, un grand pastelliste".

La présentation d'une centaine d'oeuvres - constituant la plus grande rétrospective de Millet depuis 1975 - est organisée, de manière quasi-ethnographique, en cinq sections - Millet avant Millet, Rustique, intime, Biblique et infini(s) - qui illustrent en majorité des scènes du quotidien en milieu rural ("Le cheval du paysan", "une glaneuse"...).

- Influences -

Une deuxième exposition "Millet USA", à travers plus d'une centaine d'oeuvres (peintures, dessins, photographies, extraits de films...), se penche sur l'étonnant legs de Millet dans la culture américaine, un héritage auquel a contribué... son frère.

"Pierre Millet, qui était sculpteur, était à Boston et Jean-François lui envoyait des reproductions photographiques pour faire la promotion de son oeuvre auprès des peintres et collectionneurs bostoniens et américains. Ca marchait très bien!", explique Régis Cotentin, commissaire de "Millet USA".

Car ses peintures du monde paysan français s'accordent parfaitement à l'esprit des pionniers du XIXe aux Etats-Unis, imprégnant l'imaginaire collectif américain. Ces oeuvres cultivent "le souvenir de la vieille Europe et le rêve de ce nouveau continent dans lequel les pionniers avaient envie de construire une nouvelle vie", estime M. Cotentin.

Tout au long du XXe siècle, plusieurs cinéastes se sont même largement inspirés de son oeuvre dont Terrence Malick dans "Les moissons du ciel": il filme des scènes durant "l'heure bleue", la demi-heure précédant le crépuscule lorsque le soleil caché derrière l'horizon métamorphose la nature, si chère à Millet.

Le peintre français a également été une source d'inspiration majeure pour Edward Hopper (1882-1967) et son style réaliste, le jeune Américain s'exerçant à se mettre dans ses pas à Paris, entre 1906 et 1910. Selon ses propos mots, il s'inspire de Millet afin "de ne pas tricher par rapport à la réalité".

Autre apport du "peintre paysan": la photographie sociale américaine (Dorothea Lange, Walker Evans, Lewis Hine...), qui a mis des visages sur la période de la "Grande dépression" de 1929, avec le même souci de montrer les êtres et les choses tels qu'ils sont.

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