Josacine : la mère d'Emilie relate ses entretiens avec le condamné

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Par Benjamin MASSOT - Rennes (AFP)
Publié le 14 novembre 2019 - 18:03
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Corinne Tanay à Paris le 14 novembre 2019
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© Martin BUREAU / AFP
Corinne Tanay à Paris le 14 novembre 2019
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"Quelle mère peut vouloir rencontrer l'homme condamné pour le meurtre de son enfant ?". Dans "La réparation volontaire" (Grasset), Corinne Tanay dévoile ce qui l'a poussée à mener des entretiens avec Jean-Marc Deperrois, condamné à vingt ans de réclusion en 1997 dans l'affaire de la Josacine empoisonnée.

Dans cet ouvrage publié mercredi, Corinne Tanay, 58 ans, explique à l'AFP avoir été animée "par une volonté de comprendre ce qui est arrivé à Émilie" et "avoir besoin de voir cet homme droit dans les yeux", alors que Jean-Marc Deperrois continue de clamer son innocence dans cette affaire judiciaire qui passionne et intrigue.

Le 11 juin 1994, à Gruchet-le-Valasse, près du Havre, Émilie Tanay, neuf ans, qui est invitée dans la famille Tocqueville, meurt après avoir absorbé une cuillerée de Josacine, un antibiotique pour soigner sa bronchite. En 1997, Jean-Marc Deperrois, chef d'entreprise, est reconnu coupable d'avoir introduit du cyanure dans le flacon de Josacine, tuant par méprise Émilie. Selon la cour d'assises, il aurait mis du poison dans le médicament, le croyant destiné au mari de sa maîtresse, Jean-Michel Tocqueville, malade.

Libéré en 2006, Jean-Marc Deperrois a déposé deux requêtes en révision de son procès, toutes deux rejetées. Et c'est précisément en février 2009, après le rejet de sa deuxième requête, que Corinne Tanay, en voyant Jean-Marc Deperrois "dépité" sur un banc, décide d'engager cette démarche "difficile" et "exceptionnelle" de le rencontrer.

Mais, auparavant, cette journaliste qui a réalisé plusieurs documentaires dont un sur l'affaire Viguier, se jette à corps perdu dans le dossier - plus de 15.000 pages ! -, une pièce de son appartement devenant "une sorte d'annexe de la police criminelle". Elle reçoit l'aide d'une amie journaliste scientifique, qui lui permet de se familiariser sur les questions concernant la toxicologie.

Surtout, après un long cheminement personnel et plusieurs années de psychothérapie, Corinne Tanay, qui avait écrit "Lettre à Émilie" en 1998, se sent prête à entendre "exposé dans le détail ce qui fait pour lui la démonstration de son innocence", et ce, après avoir abandonné "l'idée macabre de faire la peau à cet homme".

- "Je ne suis pas la justice" -

Ainsi, en passant par l'intermédiaire de Jean-Michel Dumay, auteur du "Poison du doute" (2003), Corinne Tanay rencontre à plusieurs reprises entre 2016 et 2019 Jean-Marc Deperrois dans un salon de thé du Havre, où les entretiens durent plusieurs heures, certains enregistrés.

Alors que la première partie du livre, intimiste, raconte le parcours qui l'a convaincue de rencontrer le condamné - agrémenté de réflexions sur les parties civiles, la difficulté du deuil, le tourbillon médiatique ou l'importance de l'écriture - la seconde reproduit l'essentiel d'un entretien qui s'est tenu en mars 2018, comme un procès-verbal.

Le dialogue est souvent vif et l'autrice estime que Jean-Marc Deperrois a "l'art de semer la confusion là où elle n'a pas lieu d'être".

Sur le fond de l'affaire, Corinne Tanay s'interroge plusieurs fois sur le rôle des Tocqueville : "en se taisant, le soir des faits, sur ce qui aurait provoqué la cause du +malaise+ d'Émilie, ils ont empêché les urgentistes d'envisager la piste de l'intoxication médicamenteuse. Sans information de leur part, les urgentistes n'ont pas contacté le centre antipoison", assène-t-elle au cours du dialogue.

Pour autant, Corinne Tanay évite toute déclaration choc sur la culpabilité ou l'innocence de Jean-Marc Deperrois : "ce n'est pas à moi de dire s'il est coupable, je ne suis pas la justice", explique-t-elle à l'AFP, tout en fustigeant "des manquement et des ratés lors de l'enquête criminelle".

Alors que M. Deperrois va déposer une troisième requête en révision selon elle, peut-on imaginer un rebondissement dans cette affaire vieille de 25 ans ?

"Il pourrait y en avoir si, des trois personnes en question (les époux Tocqueville et Didier Lecointre, présent au domicile le soir du drame, ndlr), une aurait envie de parler sur ce qui s'est passé le soir des faits", estime Mme Tanay.

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