Affaire Fillon : Macron intervient pour faire vérifier l'indépendance de la justice

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Par Caroline TAIX - Paris (AFP)
Publié le 20 juin 2020 - 11:31
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François et Pénélope Fillon arrivent au palais de Justice à Paris, le 27 février 2020
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© STEPHANE DE SAKUTIN / AFP/Archives
François et Pénélope Fillon arrivent au palais de Justice à Paris, le 27 février 2020
© STEPHANE DE SAKUTIN / AFP/Archives

Emmanuel Macron a demandé vendredi soir au Conseil supérieur de la magistrature de vérifier que le parquet national financier (PNF) a bien mené en "toute sérénité, sans pression" de l'exécutif son enquête sur les époux Fillon pendant la campagne présidentielle de 2017.

Le chef de l'Etat a décidé d'intervenir, explique l'Elysée, au vu de "l'émoi" suscité par des déclarations de l'ancienne cheffe du PNF qui a dit avoir mené une enquête sous la "pression" du parquet général, son autorité de tutelle.

Emmanuel Macron veut "lever tout doute sur l’indépendance et l’impartialité de la justice dans cette affaire", selon l'Elysée.

Car les propos de l'ex-procureure "ont suscité un émoi important" et "sont interprétés par certains comme révélant d’éventuelles pressions qui auraient pu être exercées sur la justice dans une procédure ouverte à un moment essentiel de notre vie démocratique".

le 10 juin, devant la Commission d'enquête de l'Assemblée sur l’indépendance du pouvoir judiciaire, Eliane Houlette s'est émue de la "pression" et du "contrôle très étroit" qu'aurait exercé le parquet général durant ses investigations visant les époux Fillon.

Un dossier qui a pesé sur la campagne électorale de 2017, à un moment où François Fillon était haut dans les sondages.

Vendredi, Mme Houlette a "regretté" que ses propos aient été "déformés ou mal compris". "M. Fillon n’a pas été mis en examen à la demande ou sous la pression du pouvoir exécutif", a-t-elle affirmé, ces "pressions" étaient d'ordre "purement procédural".

Ses premières déclarations ont entre-temps déclenché une avalanche de réactions politiques, de Marine Le Pen à Jean-Luc Mélenchon et surtout dans le camp LR de M. Fillon dont le jugement en correctionnelle aux côtés notamment de son épouse Penelope, est attendu le 29 juin.

Les déclarations d'Eliane Houlette montrent "que cette enquête était à charge, qu'elle était folle et qu'elle n'avait qu'un seul but : abattre François Fillon", a réagi vendredi matin sur Europe 1 Me Antonin Lévy, l'avocat du candidat malheureux à la présidentielle.

La procureure générale de Paris Catherine Champrenault a répondu vendredi à son ancienne collègue, en déplorant "que ce qui relève du fonctionnement interne et habituel du ministère public puisse être présenté comme des pressions de quelque nature que ce soit sur la conduite judiciaire du dossier" Fillon.

- "Indépendance fictive" -

Céline Parisot, présidente de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), juge aussi "dommage qu'Eliane Houlette laisse penser que ces demandes du parquet général étaient anormales, alors que c'est le fonctionnement habituel entre le parquet et le parquet général : c'est permis par les textes".

"Le problème", pour la responsable syndicale, "c'est le statut du parquet". "L'indépendance du procureur général est un peu fictive puisqu'il relève directement du ministère de la Justice".

"Nous réclamons toujours une réforme constitutionnelle. Ainsi, les soupçons de pression ne seraient plus d'actualité", a-t-elle ajouté.

Emmanuel Macron avait annoncé une réforme pour que les procureurs soient nommés, comme les juges, sur "avis conforme" du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), organe indépendant.

Dans la pratique, c'est déjà le cas depuis 2012. Mais en théorie, l'exécutif peut passer outre l'avis du CSM, ce qui alimente des soupçons d'instrumentalisation politique des poursuites. Cette réforme a été repoussée sine die.

Katia Dubreuil, du Syndicat de la magistrature (SM), relève que "les remontées d'information sont prévues par les textes et parfaitement légales". "C'est la raison pour laquelle nous en demandons la suppression".

Le parquet général peut demander des remontées d'information aux parquets et les transmettre à la direction des affaires criminelles et des grâces au sein de la Chancellerie, qui peut les faire suivre au cabinet du garde des Sceaux.

En revanche, la loi Taubira de 2013 interdit au garde des Sceaux de donner des instructions dans des dossiers individuels.

Le 10 juin, Eliane Houlette avait affirmé que "le parquet, c'est une réalité objective, est sous le contrôle de l'exécutif" et décrit "une culture de dépendance, de soumission".

Pour le député Ugo Bernalicis (LFI), qui préside la commission d'enquête de l'Assemblée, "pour rétablir la confiance dans la justice, une réforme du statut du parquet est nécessaire", sinon "la suspicion sera toujours là et elle pourra même être avérée dans certains dossiers".

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