Amiens : plus de 800 ex-Goodyear de retour aux prud'hommes pour contester leur licenciement

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Par Elia VAISSIERE - Amiens (AFP)
Publié le 28 janvier 2020 - 15:48
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L'avocat des 800 ex-salariés de l'usine Goodyear d'Amiens-Nord, Fiodor Rilov, dans l'auditorium du palais des congrès d'Amiens, le 28 janvier 2020
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© FRANCOIS LO PRESTI / AFP
L'avocat des 800 ex-salariés de l'usine Goodyear d'Amiens-Nord, Fiodor Rilov, dans l'auditorium du palais des congrès d'Amiens, le 28 janvier 2020
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"C'est un combat pour la dignité humaine": l'avocat de 800 ex-salariés de l'usine Goodyear d'Amiens-Nord a bataillé quatre heures durant mardi devant les prud'hommes, contestant une nouvelle fois le motif économique des licenciements intervenus en 2014.

"Cette audience était attendue par des milliers de salariés en France, (...) emblématique du refus des ouvriers de se laisser écraser à l'occasion du démantèlement de leur outil de travail, pendant que simultanément, leur employeur réalise des profits colossaux !", a lancé Me Fiodor Rilov, avocat des ex-salariés de Goodyear, dans l'auditorium du palais des congrès d'Amiens (Somme) où avait été délocalisée l'audience.

Entre 500 et 600 personnes, essentiellement des ex-Goodyear portant pour certains des gilets CGT, étaient venus assister à l'audience dite "de départage", présidée par un magistrat professionnel. Lors de la première, en octobre 2018, les quatre conseillers prud'hommaux, représentant à parts égales salariés et employeurs, n'avaient pas réussi à trancher.

Rassemblés dès 08H00 sur le parking, les ex-salariés ont été rapidement rejoints par ceux de l'usine Cargill d'Haubourdin (Nord), où un plan social est en préparation, des agents du centre hospitalier de Lille ainsi que les députés de la Somme François Ruffin et de la Seine-Saint-Denis Eric Coquerel (LFI).

Spécialisée dans la fabrication de pneus agricoles, leur usine avait fermé en janvier 2014, après un bras de fer de plus de six ans entre personnel et direction, entraînant la disparition de 1.143 emplois.

Les 832 ex-salariés réclament une indemnisation au motif principalement "que leur licenciement serait sans cause réelle et sérieuse" mais aussi "pour le préjudice subi du fait du manquement de l'employeur à son obligation de fournir du travail".

"L'usine est aujourd'hui rasée, fermée depuis six ans ! Ce qu'on a vécu a été d’une violence inouïe, rare", mais le rendez-vous d'aujourd'hui est "historique", leur a lancé l'ancien leader CGT du site Mickaël Wamen, peu avant l'audience.

- Démantèlement par étapes -

Rejouant avec emphase sa plaidoirie de 2018, Me Rilov a appuyé sur les bénéfices à l'époque au niveau du groupe américain Goodyear, auquel appartenait Goodyear Dunlop Tires France (DGTF).

"La notion de sauvegarde de la compétitivité", invoquée par Goodyear pour fermer, "suppose une menace objective", or dans ses comptes pour 2014, le groupe "ne fait mention d'aucune contre-performance quelle qu'elle soit !", s'est emporté l'avocat.

Alors que le bénéfice d'exploitation "s'est établi en 2014 à 1,7 milliards de dollars", le résultat net après impôts du groupe américain "a lui atteint 2,5 milliards de dollars", des chiffres "record". Goodyear a d'ailleurs pu verser "75 millions d'euros de dividendes" aux actionnaires, a-t-il assuré.

Me Rilov a également cité un document de la direction de l'époque, évoquant l'usine d'Amiens: "grâce à cette action de fermeture, nous allons améliorer notre résultat d'exploitation dans la zone Europe à hauteur de 75 millions de dollars par an".

Il est revenu sur les "moments forts" de l'histoire de l'usine, jugeant que la fermeture avait été "préparée" dès 2007 avec notamment les annonces de réorganisation du site et une baisse de la production. "Goodyear n'a jamais cessé (...) de procéder étape par étape au démantèlement de l'usine" en vue du "transfert de son activité vers des sites situés en Allemagne et Pologne", alors même que "la justice avait exigé que la restructuration soit suspendue", a-t-il critiqué.

Entre 2007 et 2013, les salariés ont ainsi assisté "à la diminution du volume de pneus" qu'ils fabriquaient, passant de quelque "25.000 en 2007-2008" à "1.500 en 2013", et jusqu'à ce que la majorité d'entre eux "n'aient quasiment plus de travail sur leur poste", a-t-il plaidé.

Après une suspension d'audience, la plaidoirie des avocats de la direction est attendue dans l'après-midi. En 2018, ils avaient argumenté sur les difficultés depuis 2007 de l'usine "extrêmement déficitaire", aggravées par la "crise sévère" de 2009, et la dette nette du groupe de 5,267 milliards de dollars au moment de la fermeture.

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