"Après, il sera trop tard" : au procès du Thalys, le militaire américain raconte comment il s'est jeté sur le tireur

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Par Marie DHUMIERES - Paris (AFP)
Publié le 03 décembre 2020 - 23:09
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De gauche à droite: Anthony Sadler, Spencer Thone, l'ambassadeur des Etats-Unis en France Jane Hartley, Alek Skarlatos, le 23 août 2015 à Paris
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© THOMAS SAMSON / AFP/Archives
De gauche à droite: Anthony Sadler, Spencer Thone, l'ambassadeur des Etats-Unis en France Jane Hartley, Alek Skarlatos, le 23 août 2015 à Paris
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"Je me suis dit +après il sera trop tard, il va tuer tout le monde+". Au procès de l'attaque déjouée du Thalys, le soldat américain qui s'est jeté sur le tireur Ayoub El Khazzani a raconté jeudi comment il avait évité "un massacre".

- "Vous vous sentez comme un héros ?", demande le président de la cour d'assises spéciale à Spencer Stone, qui témoigne via visioconférence.

- "Pas vraiment. Au fond, mon but c'était surtout de survivre".

Le désormais ex-militaire de 28 ans apparaît dans la salle d'audience sur un écran de télévision, chemise blanche et cravate bleue, blond aux cheveux courts, rasé de près. Il aurait dû témoigner en personne au début du procès, mais avait été hospitalisé pour un malaise à son arrivée à l'aéroport de Roissy et était reparti directement aux Etats-Unis.

En août 2015, Spencer Stone est secouriste dans l'armée de l'air américaine et fait un tour d'Europe avec deux amis d'enfance, dont un autre militaire.

Quand Ayoub El Khazzani monte en gare de Bruxelles, surarmé, à bord du Thalys Amsterdam-Paris, Spencer Stone est assoupi. Il est réveillé par le passage en trombe d'un contrôleur, entend des cris.

"Je me suis retourné et la première chose que j'ai vu, c'est Ayoub El Khazzani qui ramassait une kalachnikov au sol", raconte le Californien d'une voix calme.

"Je l'ai vu charger, et armer l'arme". Sur l'écran dans la salle d'audience, on le voit mimer le geste. "J'ai compris pourquoi il était là".

"C'était le moment de faire quelque chose. Je me suis dit +après ce sera trop tard, il va tuer tout le monde".

Assis à ses côtés, son ami lui tape sur l'épaule. "Il me dit +vas y+. Évidemment, j'étais pas certain de comment ça allait se passer".

"J'ai couru vers Ayoub. Il m'a mis en joue", raconte Spencer Stone, qui mime à nouveau.

"Je l'ai entendu appuyer sur la gâchette plusieurs fois, comme s'il essayait de faire marcher l'arme. J'ai été surpris d'avoir le temps d'arriver jusqu'à lui".

- "Cauchemars" -

Ayoub El Khazzani a lui raconté à la cour la semaine dernière qu'il n'avait "pas pu" tirer. L'accusation estime plutôt qu'il a essayé, mais que les balles, défectueuses, ne sont pas parties. Ce jeudi dans le box, veste de sport, cheveux noirs noués en petit chignon, il écoute les yeux dans le vide, comme souvent depuis le début du procès.

Spencer Stone décrit la bagarre, montre avec ses bras la clé d'étranglement qu'il fait. "Ayoub El Khazzani a attrapé un pistolet, il l'a mis sur ma tête". Là aussi, Spencer Stone entend les déclics métalliques. "C'est maintenant la deuxième fois qu'il essaie de me tuer".

Le second militaire américain désarme le tireur, mais il sort un cutter de sa poche, coupe le pouce de Spencer Stone "presque en deux", le blesse à la nuque.

Les Américains, aidés des passagers, finissent par maîtriser Ayoub El Khazzani "fou furieux" selon plusieurs passagers.

- "Ayoub El khazzani dit qu'il vous a vu et a décidé qu'il ne voulait plus tuer personne, vous en pensez quoi ?"

- "S'il avait voulu arrêter il n'aurait pas essayé de me tuer trois fois". Spencer Stone ne croit pas non plus à la thèse du tireur - qui assure qu'il ne ciblait que les Américains. "On a très certainement empêché un massacre. Il aurait tué tout le monde".

Spencer Stone et ses amis américains ont reçu la légion d'honneur en France, ont été célébré en héros dans leur pays et ont joué leur propre rôle dans un film de Clint Eastwood.

Le président veut savoir s'il a gardé des séquelles psychologiques.

"J'ai fait des cauchemars. Je suis anxieux, surtout quand je voyage. Et après quand il y a eu les autres attentats j'ai eu la culpabilité du survivant j'ai fait une dépression", énumère-t-il sobrement. "J'étais tellement occupé à gérer l'impact que cette histoire a eu sur ma vie que j'ai mis du temps à m'en rendre compte".

La semaine prochaine sera consacrée aux interrogatoires des accusés. Le verdict est attendu le 17 décembre.

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