Après la mort de Mehdi à Marseille, une cité se demande pourquoi "on en est arrivé là"

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Par Estelle EMONET - Marseille (AFP)
Publié le 22 février 2020 - 17:54
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"On ne se met pas à voler par plaisir": appelant au dialogue avec les autorités, quelque 300 personnes ont participé samedi à Marseille à une marche en hommage à "Mehdi", jeune homme d'une cité défavorisée tué par la police après un braquage.

Rose blanche à la main et tee-shirt blanc siglé "RIP Mehdi" (repose en paix), le cortège composé principalement de jeunes de la cité Maison-Blanche, dont était originaire Mehdi, et de mères de famille a pris le départ en fin de matinée dans le silence.

Derrière une banderole "justice pour Mehdi", la foule a rejoint quelques kilomètres plus loin une autre cité du nord de Marseille, les Marronniers, là où le jeune homme de 18 ans, a été tué le 14 février par un tir policier.

Ce soir-là, un braquage est commis dans un magasin proche du centre-ville. Les trois malfaiteurs présumés prennent la fuite en voiture et sont poursuivis par des policiers de la brigade anticriminalité (Bac) Nord.

"Dans des conditions que les investigations préciseront, un fonctionnaire de police ouvre le feu à plusieurs reprises après avoir été lui-même puis un de ses collègues mis en joue par un des malfaiteurs", avait indiqué le lendemain le parquet. Selon la procureure Dominique Laurens, Mehdi était celui qui aurait mis les policiers en joue.

Mais certains habitants de Maison-Blanche se demandent, sur la foi de témoignages de gens présents à la cité des Marronniers, si Mehdi a bien menacé les policiers.

- "Pas tous mauvais" -

"Vous n'aurez pas de discours de haine sur la police. Les policiers ne sont pas tous mauvais comme les jeunes dans les quartiers ne sont pas tous mauvais", insiste avant le départ de la marche blanche, Nair Abdallah, l’un des représentants du Collectif des habitants de la Maison-Blanche, au pied d'une barre d'immeuble décrépite.

"Mais on aurait préféré qu'il prenne des années de prison plutôt que sa mort", souligne le jeune père de famille qui redoute que les "violences policières" se banalisent.

Il dit toutefois voir une "lueur d'espoir en la justice" alors qu'une enquête a été confiée à l'Inspection générale de la police nationale sur l'usage des armes des forces de l'ordre.

Plus largement, le représentant du collectif soulève le problème de l'abandon des cités. Il appelle la police et les politiques au dialogue et à des gestes concrets.

"Il faut que l'on nous écoute. Pour quelles raisons on en est arrivé là? Personne ne se lève le matin en se disant je vais aller braquer", interroge-t-il posément.

A ses côtés, Yacoub également membre du collectif explique comment Mehdi a cherché du travail en vain, sans permis de conduire, ni téléphone, mais avec l'étiquette de la cité. Il pointe aussi le manque de suivi du jeune homme à sa sortie d'un séjour en prison.

Yacoub et Nair dénoncent ceux qui, à quelques semaines des municipales, "viennent réclamer des voix", mais leur disent le reste du temps qu'ils ne "peuvent rien faire" pour eux.

"On a rajouté un arrêt de métro, Capitaine Gèze, plus loin mais en contrepartie on nous a supprimé les bus qui desservaient la cité", pointe par exemple Nair.

Haoulata, 24 ans, employée dans une crèche, n'habite plus à Maison-Blanche mais elle a tenu à venir car elle est amie avec la sœur de Mehdi et sa famille qui étaient ses voisins.

"Il faut donner de l'avenir aux jeunes d'ici, que ce soit la police, les autorités, il faut travailler pour qu'ils aient les moyens d'avoir un avenir", souligne-t-elle.

Nair sait déjà qu'après la marche, des "minots" viendront lui dire +Et après on fait quoi?+. Il ne sait pas ce qu'il leur répondra mais espère qu'un jour la société se rendra compte de leur "potentiel".

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