Attentat de la rue des Rosiers : le suspect extradé en France mis en examen et écroué

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Par Murielle KASPRZAK - Paris (AFP)
Publié le 05 décembre 2020 - 18:24
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"Peu importe le temps qui passe, le nombre d'années, il est important de rendre justice aux victimes": la mise en examen et l'incarcération samedi de l'un des suspects de l'attentat de la rue des Rosiers en 1982, Walid Abdulrahman Abou Zayed, extradé par la Norvège, leur donne l'espoir d'un procès.

"J'ai pu mesurer à quel point mes clients étaient soulagés" par l'extradition d'Abou Zayed, relate Me Pauline Manesse, avocate d'une famille de victimes de l'attentat de la rue des Rosiers, qui a fait six morts et 22 blessés, le 9 août 1982, dans le IVe arrondissement de Paris.

Un commando de trois à cinq hommes avait lancé une grenade dans le restaurant Jo Goldenberg, dans le quartier juif historique de la capitale, puis mitraillé l'intérieur de l'établissement et des passants.

Abou Zayed, 62 ans, soupçonné d'être "l'un des tireurs", a été extradé vendredi par la Norvège, où il s'était installé en 1991.

Il a été mis en examen pour "assassinats" et "tentatives d'assassinats" samedi par un juge d'instruction antiterroriste parisien, puis écroué. La circonstance aggravante "en relation avec une entreprise terroriste" date de 1986, soit quatre ans après les faits, et ne peut donc pas figurer parmi les chefs de mise en examen, a précisé une source judiciaire.

L'attentat avait rapidement été attribué au Fatah-Conseil révolutionnaire (Fatah-CR) d'Abou Nidal, groupe palestinien dissident de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP).

La France avait émis en 2015 un mandat d'arrêt international contre Abou Zayed, un Palestinien né en 1958 en Cisjordanie et naturalisé norvégien en 1997. Oslo n'avait pas donné suite car elle n'extradait alors pas ses ressortissants.

Mais l'entrée en vigueur l'an dernier d'un accord judiciaire avec l'UE et l'Islande a permis à la Norvège d'autoriser son extradition le 27 novembre.

- "L'attente d'une vie" -

Le suspect, qui clame son innocence, devrait être auditionné dans les prochains mois par trois juges d'instruction antiterroristes et demander des actes d'investigation.

Si les magistrats décident de le renvoyer devant les assises, "on ne pourra pas avoir un procès avant deux ans", soit quarante ans après l'attentat, estime Me Manesse. "Ce ne sont que des délais théoriques, en matière de terrorisme, il est illusoire d'espérer de moindres délais", reconnait-elle. Mais, "peu importe le temps qui passe, le nombre d'années, il est important de rendre justice aux victimes", insiste-t-elle.

La famille qu'elle défend était dans une voiture qui a été criblée de balles devant le restaurant. La grand-mère avait été grièvement blessée. A l'arrière, il y avait un bébé d'un mois. "Cet enfant a grandi avec ce traumatisme qui a fortement imprégné la mémoire familiale. Un procès représente l'attente d'une vie", souligne Me Manesse.

Même quarante ans après, "un procès est important pour les victimes et pour montrer qu'il n'y a pas d'impunité pour les terroristes", souligne Guillaume Denoix de Saint-Marc pour l'Association française des victimes du terrorisme.

"Il n'y a pas de sanctuaire dans le monde pour le terrorisme" a dit Guy Benarousse, alors étudiant de 16 ans blessé gravement dans l'attentat, selon des propos rapportés par l'un de ses avocats, Me Ariel Goldman.

"Il a été frappé que le roi de Jordanie et (le président palestinien) Mahmoud Abbas soient présents à la manifestation en janvier 2015 après les attentats (à Paris), alors qu'ils n'ont qu'une chose à faire pour aider la justice dans une affaire majeure de terrorisme", a rappelé Me Goldman.

La justice française a émis trois autres mandats d'arrêt internationaux visant deux suspects localisés en Jordanie, dont le cerveau présumé de l'attentat et un troisième en Cisjordanie. La Jordanie a refusé à plusieurs reprises leur extradition.

L'affaire est d'autant plus sensible qu'un éventuel accord secret aurait été passé à l'époque entre les renseignements français, qui se seraient engagés à libérer des prisonniers, et le groupe Abou Nidal qui, en contrepartie, ne devait pas commettre d'action en France.

"On ne se fait pas d'illusions, il n'y aura pas d'autres suspects dans le box", regrette Me Avi Bitton, avocat de plusieurs victimes. "C'est un pis-aller, ça permet au moins à un procès de se tenir plutôt que d'avoir un procès fantôme en l'absence de tout accusé avec des condamnations qui ne seront jamais exécutées", ajoute-t-il.

Me Manesse pense au contraire qu'en acceptant d'extrader Abou Zayed, "la Norvège a envoyé un message très important qui peut amener d'autres Etats à répondre de manière positive" aux demandes de la justice française.

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