Au coeur d'une cité marseillaise, le défi de médecins pour "prendre soin" des habitants

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Par Julie Pacorel - Marseille (AFP)
Publié le 05 juillet 2019 - 09:22
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Le "Château en Santé", centre de santé au pied des barres marseillaises, le 25 juin 2019
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© GERARD JULIEN / AFP
Le "Château en Santé", centre de santé au pied des barres marseillaises, le 25 juin 2019
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Au coeur d'une cité dégradée de Marseille, entre "choufs" et carcasses de voitures incendiées, un centre de santé pas comme les autres: là, on peut se faire soigner, mais aussi faire garder ses enfants pendant la consultation ou rencontrer une assistante sociale.

Au pied des barres d'immeubles insalubres de la cité Kalliste, écrasée de chaleur ce lundi, les "choufs", des guetteurs des réseaux de trafiquants de drogue, sont avachis dans des canapés. Face à eux, l'imposante bastide du "Château en santé" offre un contraste saisissant, et une parenthèse hors du temps pour les patients, avec ses ses grandes fresques représentant Marseille ou Istanbul au XIXe siècle.

"On est ravis d'avoir un lieu beau, chaleureux, qui ne fasse pas trop +médical+", explique Irène Mériaux, une des fondatrices du lieu, médecin du conseil départemental. Dans ce cocon, une association de médecins, infirmiers et travailleurs sociaux prennent le temps d'écouter les patients, lors de consultations de 30 minutes, dans plusieurs langues.

"Ici, on n'est pas là que pour soigner mais pour +prendre soin+ des gens", explique Fatima, médiatrice et interprète en comorien du "Château". "Ce sont des personnes en souffrance, qui ont besoin d'être rassurées, écoutées", décrit Fatima, habitante du quartier depuis 25 ans, qui offre en salle d'attente des thés et des cafés.

Si l'équipe du collectif s'est installée ici, c'est que dans cette cité de 15.000 âmes dont la moitié vivent sous le seuil de pauvreté, seuls deux généralistes exercent.

"On peut trouver des médecins dans le centre-ville, mais quand il faut prendre deux ou trois bus avec plusieurs enfants, se demander si on sera remboursé, on renonce", explique Fatima, qui évoque aussi "une peur du regard des autres".

- "Prise en charge globale" -

Au "Château", pas de dépassement d'honoraires, et des médecins qui se situent "en décalage par rapport au +pouvoir médical+", selon le Dr Mériaux. L'équipe développe une approche participative de la santé, impliquant les acteurs locaux, avec des interventions des Compagnons bâtisseurs (rénovation de logements), d'une diététicienne...

"La prise en charge est globale, elle dépasse largement la santé, ça déstabilise parfois les patients", ajoute-t-elle. Avec l'assistante sociale comme avec les médecins, les patients peuvent notamment évoquer leurs problèmes liés à l'habitat, "leur souci numéro un" dans ces barres insalubres, dont l'une va être détruite en août.

"Les habitants de ces quartiers sont plus malades", constate le Dr Mériaux: "ils ont plus de diabète, d'asthme, un stress psycho-social: l'insalubrité, les droits Caf qui s'arrêtent, les punaises de lit...".

En grande majorité, la patientèle est jeune et à 65% féminine. Des mères épuisées, surmenées qui négligent leur santé, et dont les grossesses sont très souvent pathologiques. "Je fais énormément de gynécologie, de poses de stérilet notamment", poursuit le Dr Mériaux.

Pour inciter ces femmes à consulter, l'accueil du "Château" leur propose de garder leurs enfants pendant la visite. Sur la table d'examen, elles peuvent choisir leur position pour l'auscultation, pas forcées d'être jambes ouvertes, pieds dans l'étrier.

Des "plus" qui séduisent Raduia, 27 ans, mère de 4 enfants qu'elle avait l'habitude de "trimballer dans tout Marseille" à chaque rendez-vous. Elle consulte un généraliste mais aussi un orthophoniste pour ses enfants. Le centre est saturé de demandes pour cette spécialité et a enregistré plus de 700 consultations d'orthophonie en 2018.

Au-delà du côté pratique de ce centre "en bas de chez moi", Raduia se réjouit de "l'esprit des médecins". "Avant quand on était malade on allait à l'hôpital Nord, on faisait la queue des heures et on ressortait avec une ordonnance mais pas de conseils", se souvient la jeune femme. "Ici ils nous apprennent à mieux nous connaître, ils donnent moins de médicaments mais on est moins malades".

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