Au moins 126 féminicides en 2019, année du "réveil des consciences", selon un décompte AFP

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Par Marie DHUMIERES, Jessica LOPEZ, Pauline TALAGRAND, avec les bureaux de l'AFP en France - Paris (AFP)
Publié le 10 janvier 2020 - 19:05
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Une femme tient un panneau qui énumère les noms des victimes de féminicides en France pour les onze premiers mois de 2019, lors d'une manifestation à Marseille, le 23 novembre 2019
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© CLEMENT MAHOUDEAU / AFP/Archives
Une femme tient un panneau qui énumère les noms des victimes de féminicides en France pour les onze premiers mois de 2019, lors d'une manifestation à Marseille, le 23 novembre 2019
© CLEMENT MAHOUDEAU / AFP/Archives

Au moins 126 femmes ont été tuées par leurs conjoints ou ex conjoints en France en 2019, selon un décompte de l'AFP, soit plus d'une femme tous les trois jours, malgré des mobilisations et un "réveil des consciences" inédits.

Face à la persistance de ces féminicides, en hausse par rapport au chiffre officiel de 2018, le gouvernement et les députés ont adopté en fin d'année des mesures pour protéger ces femmes, et d'autres sont prévues ces prochains mois.

Ces meurtres se sont additionnés entre le 6 janvier 2019, date des trois premiers recensés à Toulouse, dans les Yvelines et en Seine-et-Marne, et le dernier en Corrèze.

La mort d'Audrey, 28 ans, dont le corps roué de coups a été retrouvé le 31 décembre à Ussel (Corrèze), est le 126e et dernier féminicide recensé à ce jour en 2019. Un nombre qui pourrait augmenter de quelques unités ces prochains mois, au gré de l'évolution des enquêtes en cours dans une dizaine de cas encore en suspens.

Au cours des huit derniers mois, l'AFP a mobilisé ses journalistes à travers la France pour étudier en détail auprès des autorités (police, gendarmerie, parquets…) les cas de féminicides soupçonnés à partir d'un décompte associatif.

Certains ont été emblématiques comme celui de Julie Douib, tuée le 3 mars en Corse de deux balles par son ex compagnon qui ne supportait pas la séparation.

Ou Dalila, 50 ans, abattue le 6 avril dans le Var par son mari, alors que les gendarmes étaient intervenus quelques heures plus tôt parce qu'il la menaçait.

Ou encore Johanna, 27 ans, poignardée le 18 septembre au Havre par son conjoint devant leurs trois enfants de 2, 4 et 6 ans qu'elle était venue récupérer.

Ces meurtres sont le stade ultime des violences conjugales, dont sont chaque année victimes plus de 210.000 femmes majeures en France, selon le gouvernement.

En 2018, 118 femmes avaient été tuées par leurs compagnons ou ex compagnons (et trois autres par leurs compagnes, soit un total de 121 femmes tuées par des violences conjugales).

Ce chiffre a baissé depuis que le gouvernement a commencé à les recenser il y a un peu plus de 10 ans - 180 cas environ en 2007, puis 160 en 2010. Mais il se maintient depuis 2013 aux alentours des 120-130. "C'est glaçant", reconnaît auprès de l'AFP la secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa.

- "La vérité en face" -

Selon les dizaines de témoins, autorités et médecins interrogés par l'AFP, les scénarios se répètent souvent. Ils mettent en scène, dans tous les milieux sociaux et classes d'âges, des hommes impulsifs, dépressifs ou manipulateurs, des femmes violentées, sous emprise ou qui veulent rester avec leurs enfants... Loin du cliché de "crime passionnel" qui a longtemps prévalu dans ce domaine.

La séparation reste le premier motif invoqué (près de 22% des cas), devant les disputes (16%), la jalousie (13%). Vient ensuite la maladie/vieillesse (10%), signe d'un phénomène qui touche également les seniors (une victime sur cinq a plus de 70 ans), notamment des couples isolés.

Près des deux tiers des féminicides sont commis par armes à feu (31%) ou armes blanches (31%), loin devant les coups (17%) et la strangulation (14%).

Poussé par les associations, le gouvernement a annoncé fin novembre une série de mesures, après deux mois d'un "Grenelle des violences conjugales" qui a permis selon Mme Schiappa "de regarder la vérité en face".

Des consignes ont notamment été données aux policiers et gendarmes de prendre systématiquement les plaintes des femmes se disant victimes.

Plusieurs mesures ont été adoptées depuis, comme la mise en œuvre du bracelet antirapprochement destiné à éloigner les conjoints et ex conjoints violents, ou le renforcement des ordonnances de protection pour les femmes menacées. D'autres sont attendues prochainement, notamment contre le harcèlement et l'emprise psychologique au sein du couple.

"2019, c'est l'année du réveil des consciences", note Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes.

"Ca a eu le mérite de mettre un coup de pied dans la fourmilière. Mais on est un peu déçu, on attendait des mesures plus dures, plus immédiates", souligne Hélène de Ponsay, vice-présidente de l'Union nationale des familles de féminicide.

Associations comme gouvernement s'accordent sur un point: enrayer cette spirale passera également par un changement des comportements dans la société. "Il faut que tous les témoins de violences conjugales les dénoncent", souligne Mme de Ponsay. Et apprendre à détecter le harcèlement, par exemple "ne pas laisser croire à une jeune fille que c'est normal d'avoir un copain qui fouille dans son portable".

emd-mdh-jlo-pta-burs/epe/sp

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