Au procès des attentats de 2015, les mensonges et les oublis de Saïd Makhlouf

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Par Valentin BONTEMPS - Paris (AFP)
Publié le 09 octobre 2020 - 18:16
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Cinq des 14 accusés, (en haut à gauche) Abdelaziz Abbad, Michel Catino, Said Makhlouf, Metin Karasular et Mohamed Fares au tribunal de Paris le 3 septembre 2020
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© Benoit PEYRUCQ / AFP/Archives
Cinq des 14 accusés, (en haut à gauche) Abdelaziz Abbad, Michel Catino, Said Makhlouf, Metin Karasular et Mohamed Fares au tribunal de Paris le 3 septembre 2020
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"A la base, je ne suis pas un menteur": accusé d'avoir aidé Amedy Coulibaly à acheter des armes, Saïd Makhlouf a tenté vendredi de justifier ses contradictions et ses oublis, sans mettre un terme aux doutes entourant sa ligne de défense, au procès des attentats de janvier 2015.

Silhouette corpulente, larges lunettes et cheveux noués en catogan, Makhlouf parle d'un ton rapide, visiblement pressé de s'expliquer. "Je vais être clair et net, il n'y a jamais eu d'armes, c'est des stups", assure-t-il face à la cour d'assises spéciale de Paris.

"Coulibaly je ne le connaissais pas, je n'ai jamais parlé avec lui. J'ai l'ai vu une ou deux fois à tout casser", enchaîne l'accusé, disant ne pas "comprendre" sa présence dans le box. "Je suis innocent, ça fait cinq ans et demi!"

Saïd Makhlouf, 30 ans, est soupçonné d'avoir aidé Coulibaly à acquérir des pistolets et des fusils d'assaut en se rendant à six reprises dans la région lilloise avec un cousin éloigné, Amar Ramdani, entre octobre et décembre 2014.

Son ADN a été découvert sur la lanière d'un taser en possession d'Amédy Coulibaly après la tuerie de l'Hyper Cacher. Un élément embarrassant pour ce trentenaire originaire du Val-de-Marne, présenté comme peu religieux.

- "du mal à comprendre" -

Quel rôle exact a-t-il joué dans cette affaire? "Je vais répondre. Mais moi et ma mémoire c'est pas trop ça", prévient l'accusé, qui avait alterné face aux enquêteurs les déclarations changeantes et les silences. "Psychologiquement, ça n'allait pas", justifie-t-il.

Interrogé sur ses déplacements dans le Nord, Makhlouf a ainsi assuré être "monté à Lille" pour voir des prostituées, accompagné par Ramdani. Puis évoqué des escroqueries, portant sur des achats de véhicules par des crédits à la consommation. Puis un achat de cannabis.

Pourquoi ne pas avoir parlé des escroqueries et du "trafic de stup" dès le début, s'étonne le premier assesseur? L'accusé, qui reconnait avoir "menti" sur certains points, évoque la "panique" liée à sa situation et sa réticence à "mouiller" d'autres personnes.

"Ça va me rajouter une peine en plus alors que je suis innocent, pourquoi vous voulez que je me rajoute des affaires?", insiste-t-il.

Face à lui, la cour se montre sceptique. "Vous encourrez 20 ans de réclusion pour association de malfaiteurs terroriste et vous préférez cacher cette histoire de stupéfiants? J'ai du mal à comprendre", ironise l'avocate générale.

Autre élément troublant: Saïd Makhlouf a cassé la puce de l'un de ses téléphones quelques heures après l'attentat de l'Hyper Cacher. "Pour quelle raison?", demande le premier assesseur, qui rappelle que l'accusé a toujours assuré n'avoir qu'un lien distant avec Coulibaly.

Pour moi, "c'était logique, c'est même pas une question à se poser. Je fais des escroqueries avec Ramdani (ami de Coulibaly), ça ramène vers moi", se défend Makhlouf, disant avoir eu peur d'être indirectement inquiété. "La police française, elle est super forte!"

- "ça me rend fou" -

Vient la question délicate du taser. "Ce taser, c'est pas que je l'ai touché ou pas touché, je l'ai jamais vu!", proteste Makhlouf, qui dit être tombé des nues en apprenant la présence de son ADN sur le pistolet. "Ca me ronge le cerveau jusqu'au jour d'aujourd'hui, ça me rend fou!".

Face aux enquêteurs, l'hypothèse d'un "transfert d'ADN" a été avancée. Amar Ramdani a en effet raconté s'être rendu avec Coulibaly au domicile de Makhlouf le 6 janvier 2015 mais en l'absence de ce dernier, qui lui avait donné un double des clés.

D'après lui, Coulibaly s'était "vautré" sur le canapé durant cette visite. Un canapé sur lequel "j'avais l'habitude de dormir", "toujours en caleçon", a précisé vendredi Saïd Makhlouf, en racontant qu'il se sentait "plus à l'aise" sur le sofa que sur son matelas.

Des explications accueillies là aussi avec circonspection. "Si vous voulez prouver votre innocence, pourquoi ne dites-vous pas tout?", demande l'avocate générale, pointant les zones d'ombre entourant les "escroqueries" et l'argent qu'il en retirait.

Dans le box, Makhlouf soupire, agacé. "Les escroqueries ça n'a rien à voir avec Coulibaly", assure-t-il. "L'argent, moi je le flambe, surtout pour les vacances. Je ne suis pas le genre de mec à aller en vacances avec une tente quechua".

Propos démentis quelques heures plus tard par un ami: "je ne l'ai jamais connu avec beaucoup d'argent, c'est pas un flambeur".

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