Au procès Fillon, le suppléant "timide" et l'assistante "discrète"

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Par Juliette MONTESSE - Paris (AFP)
Publié le 04 mars 2020 - 22:01
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François et Penelope Fillon au Palais de justice de Paris, le 27 février 2020
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© STEPHANE DE SAKUTIN / AFP/Archives
François et Penelope Fillon au Palais de justice de Paris, le 27 février 2020
© STEPHANE DE SAKUTIN / AFP/Archives

Ancien suppléant du député François Fillon dans la Sarthe, Marc Joulaud, jugé à Paris dans l'affaire des soupçons d'emplois fictifs de Penelope Fillon, a tenté mercredi de convaincre ses juges que cette discrète collaboratrice parlementaire lui était indispensable.

A la barre, le maire de Sablé-sur-Sarthe, poursuivi pour détournement de fonds publics, dépasse d'une large tête les Fillon mais s'aligne parfaitement avec la défense de l'ex-Premier ministre, à qui il doit sa carrière politique. Le procès tombe mal pour lui, en pleine campagne pour sa réélection.

En 2002, son mentor François Fillon lui avait proposé d'être son suppléant aux législatives, "une belle opportunité", se rappelle M. Joulaud.

François Fillon, entretemps nommé ministre, remporte l'élection: Marc Joulaud prend donc le fauteuil de député. "François Fillon m'indique qu'il souhaite poursuivre la collaboration qu'il a depuis longtemps avec son épouse, pour que nous formions une équipe resserrée", relate celui qui avait alors 34 ans.

Embauchée comme assistante parlementaire par François Fillon depuis les années 1980, Penelope Fillon gagnait à l'époque environ 3.000 euros par mois.

Son salaire bondit à plus de 5.000 euros nets auprès du suppléant. Soit "à peu près la même rémunération que vous!", lance la présidente, Nathalie Gavarino, à Marc Joulaud.

Le "patron" Fillon choisit le montant, remplit le contrat: Marc Joulaud se contente de signer.

- "Contrepartie" ? -

Pour l'accusation, les activités de Penelope Fillon dans la Sarthe étaient celles d'une épouse d'homme politique. Et cet emploi, fictif, était la "contrepartie" à la place de suppléant offerte à M. Joulaud, une manière pour les Fillon de "détourner" 645.000 euros d'argent public entre 2002 et 2007.

Marc Joulaud s'en défend: "Il n'a jamais été question de contrepartie. Jamais !"

"Si Marc Joulaud n'avait pas voulu signer le contrat, il serait resté député de la Sarthe", abondera plus tard, agacé, François Fillon, qui fête mercredi ses 66 ans.

Pour le suppléant et Mme Fillon, une "équipe" sans rapports hiérarchiques, il s'agissait seulement de "tenir la circonscription" de M. Fillon, assume Marc Joulaud.

La "première mission" de Penelope Fillon "était de me faire connaître", affirme-t-il. Mais elle devait aussi "entretenir les liens qu'elle avait tissés sur le terrain", "recevoir les doléances", "faire le lien entre moi et son mari"...

Le tribunal s'interroge: Mme Fillon vivait une partie de la semaine à Paris, n'avait ni bureau ni matériel dédiés... "Concrètement, comment faisait-elle ?" M. Joulaud répond "travail de présence" et collaboration "orale".

"Sans Mme Fillon, vous n'auriez pas pu tenir votre rôle de député ?" l'interroge Nathalie Gavarino.

- Ah oui ! s'exclame-t-il. Quand je commence, je n'ai pas la connaissance des gens".

- "Attelage" -

Appelée à la barre, Penelope Fillon confirme lui avoir apporté de la "légitimité". Et s'ils n'apparaissent pas ensemble sur les photos, c'était par "souci de discrétion". "Je ne voulais pas donner l'impression que j'essayais de l'écraser", affirme-t-elle.

Pendant l'enquête, François Fillon avait expliqué que l'action de son épouse devait permettre de compenser la grande timidité de Marc Joulaud.

Certes, "moins et moins ça fait plus", ironise le procureur Aurélien Létocart. "Mais vous êtes décrit comme extrêmement timide, Mme Fillon comme extrêmement discrète... Comment cet attelage peut fonctionner concrètement ?"

- "J'ai toujours essayé de progresser", élude Marc Joulaud.

Le second procureur, Bruno Nataf, lui rappelle son expérience locale: "Est-ce que le besoin, ce n'était pas plutôt d'avoir des assistants qui vous aident à comprendre l'Assemblée ?

- Pas du tout."

Au fil des interrogatoires et des pièces fournies par la défense apparaît surtout un grand flou entre le travail rémunéré de Mme Fillon pour le suppléant Joulaud, ignoré des habitants de la circonscription, et les activités qu'elle menait pendant la même période pour son époux ministre.

En fin d'après-midi, trois anciens collaborateurs de François Fillon, cités par la défense, sont toutefois venus assurer le tribunal du travail "essentiel" de Penelope Fillon.

Sylvie Fourmont, secrétaire historique de François Fillon, et les anciens conseillers Pierre Molager et Igor Mitrofanoff ont décrit une femme de "terrain" aux précieux "conseils" politiques.

M. Mitrofanoff, lui-même ancien assistant parlementaire, a également estimé que Mme Fillon remplissait "absolument" la fonction de collaborateur parlementaire.

Le procès reprend jeudi matin.

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