Au tribunal d'Ajaccio, des lycéens font le procès des violences faites aux femmes

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Par Maureen COFFLARD - Ajaccio (AFP)
Publié le 29 novembre 2018 - 06:05
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Des lycéens jouent un procès procès pour violences conjugales, le 28 novembre 2018 au tribunal d'Ajaccio, en Corse
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© PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP
Des lycéens jouent un procès procès pour violences conjugales, le 28 novembre 2018 au tribunal d'Ajaccio, en Corse
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"Ma cliente est une femme battue qui se lève devant vous pour demander justice malgré la peur", plaide, en robe d'avocat, Sylvain, 15 ans. Au tribunal d'Ajaccio, le temps d'une journée de sensibilisation, lui et ses camarades lycéens ont joué un procès pour violences conjugales.

Le déroulé des faits est tristement banal, inspiré d'une véritable affaire jugée à Ajaccio: un homme alcoolisé se dispute avec sa compagne, qu'il traite régulièrement de "bonne à rien". Leurs cris réveillent leur petite fille de 2 ans et les coups redoublent.

Seule touche de légèreté dans ce qui avait tous les ingrédients d'un véritable procès, les noms des protagonistes: le prévenu, M. Jacques Célère, Mme Lili Coptère, sa compagne, ou encore Annie Versaire, témoin des faits. Une pointe d'humour dans un sujet lourd.

Sur un rythme enlevé, en moins de deux heures, les élèves de la classe de seconde 6 du lycée Fesch d'Ajaccio ont interprété mercredi tous les personnages d'une salle d'audience, des avocats au procureur, de la victime au prévenu en passant par la présidente du tribunal ou la greffière.

"Je suis un homme qui s'énerve facilement mais pas pourun rien", assure le prévenu joué par Louis, 15 ans, qui nie toute agression physique.

Son avocat, incarné par un autre lycéen, Bastien, "affirme avec certitude l'innocence" de son client, "un homme rongé par le malaise de ce destin", assurant que la victime est, elle aussi, "agressive et violente".

Du côté des parties civiles, le ton se fait grave: "Nous sommes ici pour juger une affaire à la fois terriblement banale et exceptionnelle. Terriblement banale parce qu'elle concerne des centaines de femmes chaque année. Exceptionnelle parce qu'elle met au jour la situation unique d'une femme comme celle qui se tient aujourd'hui devant vous, dans une détresse absolue".

- 'Fléau social' -

Le procureur de la République d'Ajaccio, Eric Bouillard, qui a coaché les élèves avec la présidente du TGI Véronique Imbert et le bâtonnier Stéphane Nesa opine. "C'est exactement ça, banal et exceptionnel", dit-il, rappelant que quelque 80 affaires de ce type sont jugées chaque année à Ajaccio.

"Cette femme l'a aimé, a essayé de l'aider, a même essayé de pardonner, mais rien n'y a fait, les violences n'ont jamais cessé", assène la seconde avocate des parties civiles, jouée par Lauriane.

Déroulé des faits, auditions, plaidoiries, réquisitions du procureur, mise en délibéré et finalement condamnation à "24 mois de prison dont dix ferme", toutes les étapes ont été respectées.

Au détour des plaidoiries, écrites par les avocats-élèves puis travaillées en classe avec leurs professeurs de français et d'histoire-géographie, des chiffres pleuvent, faisant écho à ceux dévoilés lundi par le ministère de l'Intérieur, au lendemain de la journée internationale pour l'élimination des violences à l'égard des femmes: 130 femmes sont mortes l'an dernier en France sous les coups de leur compagnon ou ex-petit ami.

L'exercice, qui a nécessité trois semaines de préparation, visait à sensibiliser les élèves à "ce fléau social" des violences contre les femmes, a indiqué la rectrice de Corse, Julie Benetti qui a assisté à la simulation avec la préfète, Josiane Chevalier et la déléguée aux droits des femmes Marie-Ange Susini.

Toutes espèrent que cet exercice "suscite des vocations" et qu'il créé, selon les mots de la rectrice, "l'envie d'embrasser des causes profondes, de lutter contre toutes les formes d'inégalités et de violences". Pour Mme Susini, "en Corse, on part de zéro, il y a 15 ans on n'en parlait pas. La parole s'est libérée et aujourd'hui des femmes vont porter plainte".

"Ce projet m'a énormément ouvert l'esprit parce que j'avais tellement de clichés", a reconnu Louis qui jouait l'homme violent. "C'est vraiment différent de ce qu'on voit dans les films ou à la télé", a-t-il lancé sous le rire de ses camarades et professeurs.

"Je m'attendais à entendre +objection votre Honneur+", a d'ailleurs confié l'un des enseignants.

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