Aux assises, une accusatrice dit avoir eu le "devoir" de dénoncer Georges Tron

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Par Myriam LEMETAYER - Bobigny (AFP)
Publié le 07 novembre 2018 - 20:40
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Un "devoir" de porter plainte: face à la défense qui l'accuse de mentir, Eva Loubrieu a maintenu mercredi aux assises avoir été violée par l'ex-secrétaire d’État Georges Tron et son ancienne adjointe à la Culture.

"Ca fait dix ans que je lutte pour survivre", a déclaré dès le début de sa journée d'audition Eva Loubrieu, 44 ans, tailleur noir, mèches blanches dans ses longs cheveux bruns.

Avec une autre ancienne employée municipale, Virginie Ettel, elle accuse Georges Tron, maire de Draveil depuis 1995, d'attouchements et de pénétrations digitales, avec la participation de son ex-adjointe à la Culture Brigitte Gruel.

Le procès a commencé le 23 octobre devant les assises de Seine-Saint-Denis. Les deux accusés de 61 ans nient en bloc.

D'une voix éraillée de fumeuse, Eva Loubrieu explique avoir "énormément réfléchi" avant de dénoncer fin mai 2011 des agressions qui se seraient étalées entre 2007 et 2009.

"Ca devenait un devoir de me joindre" à la plainte de Virginie Ettel "sans cela M. Tron et Mme Gruel allaient continuer et peut-être qu'une femme n'allait pas se rater", dit-elle, en référence aux tentatives de suicide des deux plaignantes.

Eva Loubrieu rencontre Georges Tron, alors député-maire, à sa permanence parlementaire en 2006. Séparée de son mari, seule avec son fils, elle a besoin de travailler. Spécialisée dans la reliure d'art, elle sera embauchée au pôle livres de la mairie.

Selon son récit, elle se retrouve plongée dans des "rituels" invariables: des rendez-vous où l'élu, toujours habillé, commence par pratiquer la réflexologie plantaire - sa passion revendiquée - avant de l'embrasser, la caresser et la pénétrer avec un doigt.

"J'ai vite compris que je n'avais pas le droit de le toucher", constate-t-elle.

Mais au printemps 2007, quand une assistante parlementaire lui décrit des scènes similaires "à la virgule près" avec le maire, elle est "effrayée", pense que c'est "pathologique".

Elle explique avoir alors dit, en vain, à l'élu qu'elle "ne voulait plus que les choses continuent ainsi".

- "Mon corps était là sans être là" -

Brigitte Gruel entre en jeu. Eva Loubrieu décrit des scènes à trois où il lui arrive de pratiquer un cunnilingus à l'adjointe, de simuler l'orgasme pour "abréger".

- "Vous faites un cunnilingus ?" interroge Éric Dupond-Moretti, l'avocat de Georges Tron.

- "Oui. M. Tron me met la tête sur le sexe de Brigitte. Je ne suis pas en état de pouvoir décider quoi que ce soit, j'exécutais de façon complètement désincarnée, mon corps était là sans être là."

Les accusés nient toute agression, mais aussi toute relation entre eux et avec les plaignantes.

La défense essaie de faire flancher Eva Loubrieu.

"Avec la pression judiciaire, la pression médiatique (...) c'est plus difficile de se rétracter", glisse Me Dupond-Moretti.

L'avocat de Brigitte Gruel, Frank Natali, tente à son tour de lui faire dire qu'elle ment:

- "S'il y a des choses que vous avez dénoncées qui ne se sont pas passées, dites-le", lui enjoint-il doucement.

- "Je maintiens toutes mes déclarations maître"

- "J'aurai essayé."

Laissant entendre qu'elle a agi par rancœur, il souligne que "tout semblait bien aller pour elle à la mairie" jusqu'à ce qu'elle soit accusée d'un détournement motivant son licenciement en 2009.

Elle rétorque qu'elle était "clivée", s'efforçait de faire bonne figure alors qu'elle sombrait psychologiquement, se réfugiait dans les addictions.

"Pendant des années, dit-elle, la seule chose qui m'habitait était une souffrance indicible avec un désir de mort constant."

Le verdict est attendu à la mi-novembre.

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