Baselitz pose à Colmar son regard sur son corps nu et la vieillesse

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Par Laurent GESLIN - Colmar (AFP)
Publié le 10 juin 2018 - 10:35
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Oeuvre de Georg Baselitz exposée au musée Unterlinden de Colmar
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© SEBASTIEN BOZON / AFP
Oeuvre de Georg Baselitz exposée au musée Unterlinden de Colmar
© SEBASTIEN BOZON / AFP

L'Allemand Baselitz expose à partir de dimanche ses dernières œuvres au musée Unterlinden de Colmar, des réalisations monumentales et inédites, aux fameux motifs renversés qui interrogent son rapport au corps vieillissant.

"Corpus Baselitz", titre de l'exposition ouverte jusqu'au 29 octobre, est la première et seule manifestation en France consacrée aux dernières créations de cet artiste majeur contemporain, à l'occasion de son 80e anniversaire marqué par des rétrospectives en Allemagne, en Suisse et aux Etats-Unis.

Cet enfant terrible de l'art allemand y présente 70 de ses œuvres - peintures, dessins et sculptures - créées ces quatre dernières années.

Des pieds, des jambes, des corps nus de face, de dos, allongés, assis ou qui marchent: dans ses grands formats, Baselitz témoigne de son "obsession du corps mis à nu" pour se représenter, la tête renversée, seul ou avec son épouse Elke.

Dans ses oeuvres exposées sur les 800 m2 du nouveau bâtiment de la galerie colmarienne, installée dans les anciens bains municipaux, Baselitz dévoile une "peinture sombre" mais "énergique" qui montre un "corps morcelé", "amputé", "scarifié" et "meurtri par l'âge", souligne la conservatrice du musée et commissaire de l'exposition Frédérique Goerig-Hergott.

Des tons pastel ont remplacé les couleurs vives de sa palette des années 1970 et colorisent des corps peints en blanc sur fond noir, un travail de couches superposées et de pulvérisation.

"Je ne voulais pas faire l'erreur de faire quelque chose dans la condition du déclin, qu'on se dise, que oui, cet homme n'a plus de forces physiques, (ses) capacités intellectuelles faiblissent", a expliqué Baselitz lors d'une présentation de son travail à la presse.

"J'ai essayé - à travers une étude et avec un contrôle scrupuleux dans l'histoire -, d'identifier toutes les œuvres des autres consacrées à la vieillesse. Il me fallait connaître les erreurs des +ennemis+ afin que j'en fasse moins, et d'éviter ces erreurs. Et espérons-le, j'y suis parvenu", souligne-t-il.

Ce pourfendeur des conventions s'interroge aussi sur sa place dans l'histoire de l'art, avec comme point de départ les deux expositions consacrées à Picasso, en Avignon en 1970, et peu après sa mort, en 1973.

L'auteur de Guernica s'était attiré les foudres des critiques qui avaient qualifié ses derniers dessins de "barbouillages" obscènes, mis sur le compte d'une prétendue sénilité.

- Une synthèse de son existence -

Né en 1938 à Deutschbaselitz (Saxe), commune dont il a tiré son nom d'artiste, Georg Baselitz né Hans-Georg Kern, s'est fait connaître pour des peintures provocantes réalisées au début de sa carrière.

Un demi-siècle après avoir fait scandale en Allemagne avec des toiles montrant des sexes en érection, Baselitz témoigne d'"une représentation complètement assagie, avec toujours cette énergie qui contrebalance cette impuissance apparente", relève Mme Goerig-Hergott.

En 1963, lors de sa première exposition personnelle dans une galerie de Berlin-ouest, ses œuvres "La grande nuit foutue" et "L'homme nu" avaient provoqué un scandale avant d'être confisquées par les autorités qui les avaient qualifiées de "cochonneries", avait raconté l'artiste dans un entretien en 2011 à l'AFP.

"Baselitz fait la synthèse de son existence", et "multiplie les références", souligne Mme Goerig-Hergott: ici Otto Dix, avec une femme assise sur un fauteuil, là Marcel Duchamp, Dubuffet et Picasso, avec ses nus descendant un escalier, Lucio Fontana, avec ses tableaux traversés par un gouffre.

A l'art sacré, il emprunte la forme du diptyque ou du polyptyque médiéval, créant "une vraie résonance avec les collections du musée Unterlinden et le retable d'Issenheim" de Matthias Grünewald consacré aux souffrances du Christ, la pièce-maîtresse du musée, souligne Mme Goerig-Hergott.

Ses peintures sont traversées par une "lumière qui suggère quelque chose de la mort et de la résurrection (...) On le voit partir, quitter la scène, traversant un rideau", ajoute la conservatrice.

Baselitz, contraint d'arrêter de sculpter en raison de son âge, y présente aussi ses trois dernières pièces: des jambes de femmes sur talons aiguilles en tipi évoquent "quelque chose de l'origine du monde de Courbet", et deux imposants hochets noirs à têtes de mort, taillés à la tronçonneuse, "la vie qui perdure", l'enfance, la mort.

"Corpus Baselitz" au du 10 juin au 29 octobre.

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