Bordeaux : un "petit Paris" et bastion "gilet jaune"

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Par Fabienne FAUR - Bordeaux (AFP)
Publié le 11 janvier 2019 - 10:01
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Des gilets jaunes manifestent à Bordeaux le 5 janvier 2019
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© MEHDI FEDOUACH / AFP
Des "gilets jaunes" manifestent à Bordeaux, le 5 janvier 2019
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Bordeaux, bastion "gilets jaunes", est un "petit Paris", une ville en forte croissance devenue rapidement très chère, renvoyant les plus modestes à la périphérie, affirme le sociologue Frédéric Neyrat qui y a scruté le mouvement pour une vaste étude nationale.

Q: Samedi après samedi, des milliers de "gilets jaunes" se mobilisent à Bordeaux, devenue un bastion du mouvement. Pourquoi ?

R: D'une ville accessible dans les années 1990, Bordeaux est devenue en terme d'immobilier la 2e ville la plus chère de France, avant Lyon. Mais Lyon a toujours été relativement chère. Il y a trente ans, l'immobilier bordelais était très accessible. Il y avait des zones très populaires, les quartiers de St-Michel, Bacalan. La politique de rénovation menée par le maire Alain Juppé, un embellissement réussi, a eu des effets pervers. Beaucoup ont été renvoyés dans la périphérie de plus en plus lointaine. Les "gilets jaunes" en sont aussi la conséquence. Aujourd'hui, Bordeaux est une nouvelle ville, un petit Paris. Les différentes sociales s'y sont considérablement accentuées.

Même le choix du lieu de rassemblement des "gilets jaunes" est symbolique. En général, les cortèges syndicaux partent de la place de la Victoire, ou de la place de la République. Les gilets, c'est de la place de la Bourse. C'est le Bordeaux bourgeois, le Bordeaux du Triangle d'Or, le symbole de la puissance et de la richesse commerciale.

Bordeaux fait aussi partie d'une ligne qui va de Rouen à Marseille, une France de l'ouest moins industrialisée. Les "gilets jaunes", c'est une mobilisation pour des services publics, des services de proximité.

Il y a aussi une dynamique de mobilisation. A Bordeaux, on sait qu'il va y avoir du monde. C'est très agréable. Les gens viennent, reviennent. Le monde attire le monde.

Q: Qui manifeste ?

R: Une bonne moitié vient de la métropole dont un bon nombre de Bordeaux même, le reste de Gironde, Dordogne ou Landes principalement. Il y a encore des gens extrêmement modestes à Bordeaux, des petits fonctionnaires, des retraités. Ils ont pu il y a longtemps acheter leur logement et voient la ville se transformer, avec des boutiques plus chères, des restaurants populaires devenus bars à vin, etc, d'où un sentiment d'exclusion.

On note une forte mobilisation du Médoc, du Blayais, deux territoires qui, en terme d'indicateurs sociaux, sont des zones de relégation.

Il y a aussi beaucoup d'auto-entrepreneurs qui ont cru à la possibilité de s'en sortir avec ce statut et qui se retrouvent dans des situations d'étranglement financier. Le nombre de livreurs de repas à vélo est spectaculaire à Bordeaux. Ce sont des gens qui se sentent floués.

Ce sont des gens qui reviennent à la politique. Les revendications portent beaucoup sur la réduction des inégalités, le rétablissement de l'ISF (Impôt sur la fortune) revient sans cesse mais ils disent ne pas vouloir faire la chasse aux riches.

Il y a aussi une volonté de ne pas se diviser sur la question politique mais à Bordeaux, il y en a plus à gauche qu'ailleurs. Samedi dernier, j'ai vu des gens d'extrême-droite être exclus assez physiquement du cortège, sans provoquer de réaction hostile.

Q: Comment étudiez-vous le mouvement ?

R: L'étude, nationale, est menée par 80 chercheurs en sociologie, sciences politiques, des géographes, etc, qui ont fait remplir depuis le 17 novembre, début du mouvement, 600 questionnaires dans les manifestations et sur les ronds-points. Elle est coordonnée par le Centre Emile Durkheim de Sciences Po Bordeaux.

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