Canicule : les détenus suffoquent et tentent le "système D"

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Par Caroline TAIX et Marie DHUMIERES - Paris (AFP)
Publié le 07 août 2018 - 17:47
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A la prison des Baumettes, à Marseille, le 6 novembre 2017
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Jusqu'à quatre dans 9 m² et seulement trois douches par semaine: les détenus dans les maisons d'arrêt surpeuplées suffoquent sous la canicule et tentent le "système D" pour se rafraîchir.

Muriel (les prénoms ont été changés) rend visite tous les mercredis à son fils de 24 ans, incarcéré à la maison d'arrêt d'Evreux (Eure) depuis décembre 2016. "La cellule est en plein cagnard toute la journée, il n'y a qu'une seule fenêtre donc pas de courant d'air. (...) Il n'en peut plus. Ils n'ont droit qu'à trois douches par semaine. Je ne vous dis pas comment ça doit puer dans la cellule", rapporte-t-elle à l'AFP.

Pas de frigo, de boisson fraîche ou de ventilateur en cellule, décrit-elle. Son fils "dort en dortoir à sept alors que normalement ils ne devraient être que six, voire cinq. (...) Ils ne font rien, ils restent couchés, sauf pour la promenade une heure le matin et une heure l'après-midi".

La France connaît depuis plusieurs jours des épisodes de canicule avec des températures qui ont souvent dépassé les 35 degrés.

Surveillant à la prison de Fresnes (Val-de-Marne), où le taux d'occupation est de plus de 180%, Julien reconnaît que "les conditions sont plus compliquées que d'habitude".

Comme la maison d'arrêt est surplombée d'une verrière, "plus on monte dans les étages, plus il fait chaud. Au 3e ou 4e, c'est vraiment insupportable: 38 degrés l'autre jour selon la montre d'un collègue", explique le surveillant.

"Quand on a le temps, on essaie de rajouter des (tours) de douches, mais sur les étages où on est tout seul avec 140 détenus c'est clairement pas possible", admet-il.

Seuls les détenus qui ont les moyens peuvent s'acheter un petit ventilateur.

François Korber, de l'association de défense des détenus Robin des Lois, décrit "le système D" des prisonniers pour se rafraîchir: "On trempe les draps dans le lavabo, on les essore au-dessus de la tête, ça fait un peu comme une douche".

"Beaucoup nous disent qu'ils font couler de l'eau hors du lavabo pour mouiller le sol et tenter de créer de la fraîcheur", rapporte François Bes, de l'Observatoire international des prisons (OIP).

Autre stratagème: certains retournent une table, entourent les pieds de film plastique et versent de l'eau avec une casserole pour faire comme une piscine.

- "Cocottes-minute" -

D'autres recouvrent la fenêtre d'un drap mouillé, même si cela n'est pas autorisé car les barreaux doivent être visibles, ajoute-t-il.

"Tout cela est source de tension entre les surveillants et les détenus et entre les détenus eux-mêmes, entre celui qui dort en haut et celui en bas, celui qui a le ventilateur, etc.", explique-t-il.

Il est demandé aux surveillants de faire encore plus attention aux tentatives de suicide que d'habitude, notamment la nuit, dit aussi Julien.

Ce surveillant évoque par ailleurs le cas d'un détenu qui n'en pouvait plus de la chaleur et qui "enchaînait" les médicaments pour pouvoir dormir.

"L'été, c'est la période la plus dure de l'année avec les fêtes de fin d'année. Il n'y a pas que la chaleur: il n'y a pratiquement plus d'activités. Les familles sont parfois en vacances, donc il y a moins de parloirs. Les bénévoles viennent moins, les aumôniers aussi", explique François Korber.

"Il y a encore plus le sentiment d'être enfermé".

La direction de l'administration pénitentiaire (DAP) demande notamment aux chefs d'établissement d'allonger la durée des promenades si les cours permettent un rafraîchissement, et de prévoir des bobs pour les détenus sans ressources suffisantes. Tous doivent pouvoir s'hydrater autant qu'ils le souhaitent.

Les situations sont néanmoins très différentes selon les prisons, souligne M. Korber. Si certaines maisons d'arrêt, où se trouvent les détenus en attente de jugement, sont des "cocottes-minute", dans des centres de détention "on peut circuler plus facilement".

Yassine, détenu depuis 6 mois à Melun, est seul dans sa cellule de 9m² et a accès aux douches l'après-midi sur les coursives. "Avec la canicule, les portes sont ouvertes à 13H30 au lieu de 15H00 pour qu'on puisse marcher dans les coursives, prendre plus l'air", explique-t-il.

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