Carlos Ghosn : ce que l'on sait sur sa fuite rocambolesque du Japon

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Par AFP - Paris
Publié le 02 janvier 2020 - 17:49
Mis à jour le 03 janvier 2020 - 09:00
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Des journalistes devant une maison de Beyrouth, signalée dans des documents judiciaires comme appartenant à Carlos Ghosn, le 2 janvier 2020
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© JOSEPH EID / AFP
Des journalistes devant une maison de Beyrouth, signalée dans des documents judiciaires comme appartenant à Carlos Ghosn, le 2 janvier 2020
© JOSEPH EID / AFP

L'ex-patron de Renault-Nissan Carlos Ghosn a affirmé jeudi avoir organisé "seul" son départ du Japon où un procès l'attendait pour malversations financières, vers le Liban, niant toute implication de sa famille.

"Les allégations dans les médias selon lesquelles mon épouse Carole et d'autres membres de ma famille auraient joué un rôle dans mon départ du Japon sont fausses et mensongères", explique M. Ghosn, dans un court communiqué reçu par l'AFP.

"C'est moi seul qui ai organisé mon départ. Ma famille n'a joué aucun rôle", martèle t-il.

Carlos Ghosn est arrivé lundi au Liban, pays dont il a la nationalité, mais son lieu de résidence reste inconnu.

Les conditions de ce départ surprise du Japon où il était assigné à résidence sans autorisation de quitter le territoire, restent floues.

Des perquisitions ont été menées à Tokyo et sept personnes arrêtées en Turquie, soupçonnées d'avoir aidé M. Ghosn lors d'un transit par Istanbul.

Selon une source à la présidence libanaise, le patron déchu est entré dans le pays, en provenance de Turquie, avec un passeport français et sa carte d'identité libanaise.

En outre, pour sa fuite, M. Ghosn est soupçonné d'avoir emprunté un jet privé parti de l'aéroport du Kansai (ouest).

Par ailleurs, selon les médias japonais, une perquisition a eu lieu ce jeudi dans l'habitation où il vivait à Tokyo en liberté conditionnelle.

M. Ghosn, inculpé à quatre reprises et sorti de détention provisoire sous caution en avril 2019, vivait relativement libre de ses mouvements à l'intérieur du Japon, sous diverses conditions.

Selon la source contactée par l'AFP, trois passeports (un français, un libanais et un brésilien) sont conservés par ses avocats, mais M. Ghosn avait deux passeports français.

Une autorisation exceptionnelle du tribunal lui permettait d'en avoir un sur lui, enfermé dans une sorte d'étui (boîte ou sacoche, le type n'est pas précisé) qui restait en sa possession mais dont la clef (un code secret) était également détenu par ses avocats, a expliqué la même source.

Ce document lui tenait lieu de visa de court séjour dans l'archipel et il devait donc l'avoir à portée de main pour ses déplacements internes, a expliqué la même source.

En cas de contrôle, il devait contacter l'avocat détenteur du code pour que celui-ci se déplace (il ne pouvait se contenter de donner le code par téléphone à un policier), a précisé la source, indiquant que de telles dispositions ne concernaient pas que M. Ghosn, mais aussi d'autres personnes libérées sous caution.

Les autorités japonaises n'ont cependant pas de données informatiques indiquant que Carlos Ghosn, facilement reconnaissable, se serait présenté sous sa réelle identité aux contrôles aux frontières du Japon avant son départ, dans aucun des aéroports du pays.

Il est donc soupçonné d'avoir employé un "moyen illégal" de sortie du territoire (sous une autre identité ou en échappant aux contrôles), souligne la chaîne publique de télévision NHK citant des sources proches des enquêteurs.

A Beyrouth, la diplomatie libanaise a indiqué que M. Ghosn était entré "légalement" dans le pays, lundi à l'aube. La Sûreté générale a indiqué que rien n'imposait "l'adoption de procédures à son encontre" ni "l'exposait à des poursuites judiciaires".

Paris a assuré ne pas avoir été informé de son départ du Japon et indique n'avoir eu "aucune connaissance des circonstances de ce départ", selon un communiqué des Affaires étrangères.

"Je n'ai pas fui la justice, je me suis libéré de l'injustice et de la persécution politique. Je peux enfin communiquer librement avec les médias, ce que je ferai dès la semaine prochaine", a affirmé dans son communiqué l'homme d'affaires de 65 ans.

Une source dans son entourage a indiqué à l'AFP qu'il était avec "sa femme", "libre". Elle a par ailleurs démenti des informations d'une TV libanaise selon laquelle il se serait enfui caché dans une caisse d'instrument de musique.

"Retrait" de libération sous caution 

Deux voitures des forces de sécurité libanaises se trouvaient en matinée près de la maison du quartier d'Achrafiyeh dans laquelle M. Ghosn réside habituellement quand il visite le Liban, selon un photographe de l'AFP.

Selon une source à la présidence libanaise, le patron déchu de l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi est entré dans le pays en provenance de Turquie, avec un passeport français et sa carte d'identité libanaise.

Une affirmation qui suscite des interrogations, son avocat japonais, Junichiro Hironaka, ayant affirmé que l'équipe de défense --garante du respect des règles imposées par la justice à son égard-- est toujours en possession de ses trois passeports.

L'avocat s'est par ailleurs déclaré "abasourdi" par la nouvelle de la fuite, qu'il a apprise "par la télévision". "C'est inexcusable, puisque c'est une violation des conditions de sa libération sous caution".

Dans la soirée, les médias japonais ont affirmé que le tribunal de Tokyo avait décidé de lui "retirer" cette liberté sous caution, ce qui apparaît de pure forme, mais suppose aussi que M. Ghosn ne récupérera pas la caution totale de 1,5 milliard de yens (plus de 12 millions d'euros) versée en deux temps pour sortir de prison au printemps dernier.

Le magnat déchu de l'automobile, qui avait été salué comme "le sauveur de Nissan" après son arrivée dans le groupe japonais en 1999, était jusque-là assigné à résidence à Tokyo. Rien dans son attitude ces derniers jours ne laissait supposer qu'il allait quitter le Japon, ont indiqué à l'AFP des personnes qui l'ont récemment côtoyé.

Après son arrestation, le 19 novembre 2018 à Tokyo, ses avocats et sa famille ont vivement dénoncé la façon dont la justice japonaise a mené la procédure dans ce dossier.

Au terme de 130 jours de détention, il avait été libéré sous caution fin avril, mais sous de strictes conditions: il lui était notamment interdit de voir ou contacter sa femme Carole.

Son assignation à résidence à Tokyo lui laissait la liberté de voyager à l'intérieur du Japon, mais la durée d'absence de son domicile était réglementée.

 "Complot"

M. Ghosn fait l'objet de quatre inculpations au Japon: deux pour des revenus différés non déclarés aux autorités boursières par Nissan (qui est aussi poursuivi sur ce volet), et deux autres pour abus de confiance aggravé.

Le dirigeant a été éjecté de ses sièges de président de Nissan et de Mitsubishi Motors (3e membre de l'alliance) avant de démissionner de la présidence de Renault.

Depuis le début de l'affaire, Carlos Ghosn dénonce un "complot" de la part de Nissan pour empêcher un projet d'intégration plus poussée avec Renault.

Lors d'une audience préliminaire en octobre, sa défense a demandé l'annulation des poursuites, accusant les procureurs de collusion avec son ancien employeur japonais pour le faire tomber.

Les inculpations sont "politiquement motivées depuis le début", dénonçaient-ils.

Les charges retenues à l'encontre de M. Ghosn au Japon seront difficiles à faire valoir à l'étranger, a expliqué à l'AFP l'avocat japonais Nobuo Gohara.

Par ailleurs, M. Ghosn a peu de risque d'être renvoyé à Tokyo, en l'absence de traité d'extradition entre le Japon et le Liban, un pays par ailleurs secoué par un mouvement de contestation inédit où la classe politique est accusée de corruption et qui a entraîné une grave crise politique.

Ce deuxième passeport français aurait en revanche pu être utilisé à son arrivée en Turquie pour les formalités habituelles, avant de voyager ensuite vers le Liban où, selon les autorités locales, il est entré en toute légalité.

L'un des avocats de M. Ghosn, Junichiro Hironaka, avait assuré mardi que son équipe de défense possédait bien les trois passeports (français, brésilien et libanais) de leur client, mais n'avait alors pas évoqué de deuxième passeport français.

On ignorait à ce stade quand et selon quelles modalités ce passeport lui avait été délivré.

Pour sa fuite, M. Ghosn est soupçonné d'avoir emprunté un jet privé parti de l'aéroport du Kansai (ouest). Un avion de ce type a décollé le 29 décembre vers 23H00 (heure locale) de cette infrastructure en direction d'Istanbul, ont indiqué les médias locaux.

L'ex-PDG de Renault-Nissan, qui préparait son procès devant débuter dans l'année au Japon, a confirmé mardi se trouver au Liban d'où il promet de parler "librement" aux médias prochainement, provoquant la consternation à Tokyo.

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