Charge de travail, pression des administrés, normes : ces "petits" maires lessivés qui jettent l'éponge

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Par Béatrice ROMAN-AMAT, avec Angela SCHNAEBELE à Saulx - Plobsheim (France) (AFP)
Publié le 10 janvier 2020 - 09:00
Mis à jour le 11 janvier 2020 - 12:18
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Christian Bresson, maire de Saulx, pose près de son écharpe de maire dans sa mairie le 7 janvier 2020
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© SEBASTIEN BOZON / AFP
Christian Bresson, maire de Saulx, pose près de son écharpe de maire dans sa mairie le 7 janvier 2020
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"On peut être dévoué mais à un moment, on dit stop": en zone rurale comme périurbaine, des "petits" maires pourtant passionnés ne se représenteront pas cette année, usés par la charge de travail et le manque de moyens mais aussi lassés de servir de souffre-douleur.

Conseiller municipal depuis 1989 et maire depuis 2001, Christian Bresson ne sera pas candidat en mars à Saulx, village de 1.000 habitants dans le nord de la Haute-Saône, malgré les regrets de certains de ses administrés.

"Les gens ne savent plus à qui réclamer quelque chose, ils viennent voir le maire pour tout et pour rien, surtout dans les communes de 1.000 habitants", constate cet ancien technicien qualité chez PSA à Vesoul. Les services publics ont déserté sa commune, laissant l'élu seul face aux récriminations.

Isolé, sans service technique, le maire de village fait "tout, tout seul" et devient "le souffre-douleur de la population" raconte M. Bresson, pour qui "la goutte d'eau qui a fait déborder le vase" a été son agression par l'un de ses administrés.

"Maintenant, les gens viennent à la campagne et veulent les avantages de la ville, notamment au niveau des équipements, alors qu'on n'a pas les moyens", complète Philippe Bel, maire de Fouchécourt, commune bucolique de 117 habitants, à 30 kilomètres de Saulx, qui jette également l'éponge cette année.

- Insomnies -

Pourtant élue dans une commune plus peuplée et moins isolée, Anne-Catherine Weber, maire de Plobsheim (Bas-Rhin) -4.400 habitants dans la grande couronne de l'agglomération strasbourgeoise- se dit elle aussi submergée par les attentes de ses administrés, sans commune mesure avec ses moyens.

"Soit je recommence à dormir correctement, soit je continue mon rôle de maire", résume cette quinquagénaire venue à la politique par l'engagement associatif.

Dans son petit bureau aux murs jaunes, si mal isolé qu'elle y porte sa doudoune, Mme Weber raconte les nuits passées à se tracasser, lorsqu'elle cherchait des fonds pour bâtir une nouvelle école ou des solutions pour les parents dont les enfants n'avaient pas de place au périscolaire.

Elle pointe aussi les recours systématiques d'habitants qui allongent les délais de mise en oeuvre du moindre projet. "On a mis un préfabriqué dans la cour de l'école maternelle, ça a donné un recours", soupire-t-elle.

Les trois élus, tous sans étiquette, décrivent pourtant les immenses satisfactions tirées de leur fonction, de la célébration des mariages à la fête de Noël des aînés où "vous emmagasinez du bonheur pour trois mois", en passant par les journées citoyennes où chacun met la main à la pâte pour améliorer les espaces publics.

Mais avec des normes toujours plus nombreuses et des moyens qui ne suivent pas, l'enthousiasme s'étiole, entre deux réunions et une avalanche de courriels.

- 580 euros par mois -

"Avec la loi NOTRe (adoptée en 2015 et qui confie, entre autres, la gestion de l'eau et des déchets aux intercommunalités, NDLR), les compétences intéressantes vont partir aux communautés de communes et les maires des petits villages ne vont plus gérer que les problèmes de chiens, de voisinage, l'état civil, le cimetière... C'est gai !", prédit Philippe Bel.

"La com'com, j'y croyais, mais on n'y a rien gagné. On va vers la fin des petites communes et je ne veux pas en être le fossoyeur", assène l'édile qui indique toucher environ 580 euros par mois, pour plus de 20 heures par semaine.

Petite lueur à l'horizon : la loi "Engagement et proximité" adoptée en décembre entend répondre au sentiment d'impuissance des maires et faciliter leur quotidien, via la revalorisation de leurs indemnités, la prise en charge de frais de garde des enfants ou un droit à la formation dès le début du mandat.

Selon une étude menée en novembre 2019 par le CEVIPOF et l'Association des maires de France auprès de quelque 6.000 maires, 48% d'entre eux étaient alors certains de se représenter, 23% restaient indécis et 28% souhaitaient abandonner.

L'étude montrait un net "effet taille", avec près de deux fois plus d'abandons chez les maires des communes de moins de 3.500 habitants que chez ceux de plus de 30.000.

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