Charles Pieri, l'homme de l'ombre du nationalisme corse

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Par Maureen COFFLARD - Ajaccio (AFP)
Publié le 13 février 2018 - 14:10
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Charles Pieri, ex leader du FLNC lors d'une manifestation à Ajaccio le 3 février 2018
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© PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP/Archives
Charles Pieri, ex leader du FLNC lors d'une manifestation à Ajaccio le 3 février 2018
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Charles Pieri, soupçonné d'être l'auteur d'un message injurieux envers Dominique Erignac, veuve du préfet assassiné en 1998 à Ajaccio, est un homme de l'ombre du nationalisme corse depuis près de quarante ans, véritable épine dans le pied des élus nationalistes Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni.

Considéré par la police comme le dernier chef historique vivant du Front de libération national corse (FLNC), Charles Pieri est un miraculé qui a traversé l'histoire sanglante des années de plomb qui ont vu les nationalistes s'entretuer pendant les années 90.

Depuis septembre 2017, il s'est fait de plus en plus présent dans l'île et est apparu le 27 janvier à Corte parmi les organisateurs de la manifestation du 3 février à l'appel des dirigeants nationalistes, avant la visite du président de la République dans l'île.

Quelques jours plus tôt, Charles Pieri, 67 ans, avait annoncé dans une rare interview à Corse-Matin "reprendre une place de responsable dans l'exécutif" de Corsica Libera, le parti indépendantiste de M. Talamoni.

Sa présence dans les rangs nationalistes a un effet repoussoir pour nombre d'entre eux, notamment du côté des autonomistes de Gilles Simeoni. Cette figure de la violence clandestine "incarne la mystique de la cagoule", observe le politologue Xavier Crettiez.

Né à Bastia le 17 avril 1950 dans une famille modeste, "Carlu" Pieri fut employé à l'office local des HLM après deux années d'études de philosophie. Il s'engage dans le mouvement nationaliste au début des années 80.

En février 1982, il est soupçonné du meurtre d'un légionnaire. Incarcéré, il s'évade en 1984 avec Francis Mariani, un pilier de la bande criminelle bastiaise de la Brise de mer -tué en 2009- ce qui conduit certains à lui reprocher depuis des liens avec le milieu. Repris et jugé pour ce meurtre, Pieri sera acquitté.

Il devient en 1989 dirigeant d'A Cuncolta, vitrine légale du FLNC-Canal historique puis du FLNC-Union des combattants.

En 1993-1994, il participe aux discussions entre les nationalistes et le ministre de l'Intérieur Charles Pasqua, selon François Santoni, son alter ego pour la Corse-du-Sud. Pieri est élu en 1996 au conseil municipal de Bastia.

-"dérives mafieuses"-

Le 1er juillet 1996, il échappe miraculeusement à l'explosion d'une voiture piégée sur le port de Bastia qui tue l'un de ses proches. Il y perd l'ouïe du côté droit ainsi qu'un oeil.

Le 30 septembre 1998, il est arrêté et condamné à cinq ans de prison après la découverte d'un arsenal à son domicile.

Lorsque le 7 août 2000, Jean-Michel Rossi, ami de Santoni, est assassiné, ce dernier accuse à demi-mot Pieri d'avoir commandité le meurtre. Rossi et Santoni avaient dénoncé dans un livre certaines dérives mafieuses du secteur bastiais du FLNC, sous la coupe de Pieri. Le 17 août 2001, Santoni est à son tour assassiné.

Après l'ouverture en septembre 2003 à Paris d'une enquête financière visant Charles Pieri "indirectement", Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, confie qu'il le verrait bien "tomber" pour des délits financiers "comme Al Capone".

Trois mois plus tard, le nationaliste est interpellé, puis condamné en mai 2005 à dix ans de prison pour avoir pris le contrôle d'un réseau de sociétés pour financer son mouvement, son train de vie et celui de ses proches. La peine sera réduite à huit ans en appel.

Sorti de prison en 2009, M. Pieri bénéficie d'un régime de semi-liberté, puis d'une libération conditionnelle en 2010.

Mais, en juin 2011, s'étant soustrait au contrôle judiciaire, il est de nouveau arrêté en possession d'armes et de faux papiers et retourne purger les huit mois de sa peine.

En juillet 2013, il est une nouvelle fois condamné pour détention illégale d'armes à deux ans de prison. Lors de ce procès, il dit au tribunal s'occuper désormais, avec sa jeune compagne, d'un élevage de chiens. Il est libéré le 21 septembre 2015.

Il a un fils, Christophe Pieri, qui a été condamné en 2014 pour détention illégale d'armes et de munitions, ainsi qu'un fils adoptif, Stéphane Sbraggia, vice-président de Sulidarita, l'association de soutien aux prisonniers corses dits politiques. Pieri a également une fille Elodie et plusieurs petits-enfants.

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