Charles Shay, l'Amérindien qui sauvait des vies sous les feux du D Day

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Par Chloé COUPEAU - Saint-Laurent-sur-Mer (France) (AFP)
Publié le 13 mai 2019 - 11:10
Mis à jour le 14 mai 2019 - 12:40
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Le vétéran de la Seconde Guerre Mondiale américain Charles Shay, à Bretteville-l'Orgueilleuse, le 4 mai 2019
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© LOIC VENANCE / AFP/Archives
Le vétéran de la Seconde Guerre Mondiale américain Charles Shay, à Bretteville-l'Orgueilleuse, le 4 mai 2019
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Le 6 juin 1944, à 19 ans, l'Amérindien Charles Norman Shay sauvait des vies sous les tirs nourris du Débarquement, sur la plage la plus meurtrière du Jour J, Omaha beach, la "sanglante", en Normandie. 75 ans plus tard, l'ex-infirmier militaire se bat encore, humblement, contre l'oubli.

Le soleil a beau illuminer la mer ce samedi de mai 2019 à Omaha Beach, Charles Norman Shay "a du chagrin bien sûr".

"Beaucoup de mes amis sont morts sur cette plage. Je suis encore là. Je devrais être heureux j'imagine, mais j'ai de la peine que tant d'hommes soient morts", confie le vétéran, à la fois fort et fragile, appuyé sur sa canne face au vent et à une tortue de granit, symbole de longévité et de sagesse. Depuis 2017 la sculpture rend hommage, dans les dunes de Saint-Laurent-sur-Mer, aux 175 Amérindiens débarqués à Omaha beach le Jour J.

A bientôt 95 ans, Charles Norman Shay est "très probablement" le tout dernier des 500 Amérindiens du débarquement normand encore en vie, selon Harald Prins, professeur émérite de la Kansas State University, coauteur d'une biographie de cet ex-infirmier militaire.

Installé plus confortablement dans la véranda de la Française qui l'héberge à Bretteville-L'Orgueilleuse, à quelques dizaines de kilomètres d'Omaha, Charles Shay, grand col coloré brodé de symboles de son peuple autour du cou et médailles sur le cœur, raconte son jour le plus long.

Ce matin du 6 juin 1944 où sa division d'infanterie, la fameuse "Big Red One", débarque en première ligne, "il a fallu que mon esprit intègre le fait de voir autant de morts, de blessés et de personnes en détresse", explique ce "native American" enrôlé en 1943 mais qui dut attendre 1954 pour avoir le droit de vote dans son état, le Maine.

Le jeune infirmier, fils d'une militante pour les droits de son peuple, voit d'abord tomber du bateau ses camarades d'infanterie sous les feux allemands, puis d'autres se noyer sous le poids de leur matériel après avoir sauté dans l'eau.

- "la survie" -

Sur la mer formée, "chacun avait en tête la survie et savait ne pouvoir compter que sur lui-même", poursuit ce retraité de l'armée qui préfère louer sa logeuse qui a "tout fait" pour la création d'un mémorial amérindien à Saint-Laurent, que critiquer le gouvernement américain.

"J'avais de l'eau jusqu'à la poitrine mais j'avais pied et en me cachant derrière les obstacles érigés par les Allemands, pour me protéger de leurs tirs, j'ai pu atteindre les dunes", raconte Charles Shay, que les siens surnommait jadis "petit rat musqué", un animal qui sauva le monde d'après la légende de son peuple.

"Je n'étais pas le seul. Tout le monde devait faire la même chose", souligne cet homme humble. "Beaucoup furent touchés bien sûr par les tirs allemands", ajoute-t-il.

Une fois dans les dunes, Charles Shay s'aperçoit que "beaucoup d'hommes étaient étendus sur la plage et risquaient d'être noyés comme la mer montait".

"Je suis donc retourné vers l'eau. Je retournais (les soldats) sur les dos, les attrapaient sous les bras pour les remonter sur la plage. J'ai assisté plusieurs hommes comme ça. Je ne sais pas combien. Mais les nombres ne sont pas importants", conclut ce Penobscot, chevalier de la Légion d'honneur française depuis 2007.

"C'est quelqu'un d'altruiste", confirme Marie Legrand, sa logeuse. "C'est un homme d'une grande dignité qui, loin de chez lui, a sauvé des vies plutôt que de les ôter", en 1944 comme après, renchérit son biographe.

Charles Norman Shay sera fait prisonnier en 1945 en Allemagne. De retour aux États-Unis il va s'engager dans l'armée comme infirmier et se marier à une Autrichienne. Il passera 53 ans de sa longue vie en dehors des États-Unis, dont 44 à Vienne mais reviendra presque annuellement dans la réserve Penobscot, selon Harald Prins. Il a travaillé jusqu'à 72 ans, notamment comme chauffeur de limousine, précise l'universitaire.

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