Coincé entre social et privé, le logement intermédiaire reste un inconnu

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Par Julien DURY - Paris (AFP)
Publié le 27 février 2019 - 08:00
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L'île Seguin vue du ciel le 14 juillet 2016 à Boulogne-Billancourt
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© THOMAS SAMSON / AFP/Archives
Cinq ans après sa relance, le logement intermédiaire, à mi-chemin entre les HLM et l'habitat libre, reste absent des débats
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Cinq ans après sa relance, le logement intermédiaire, à mi-chemin entre les HLM et l'habitat libre, reste absent des débats alors qu'il permet de modérer le prix des loyers en dépassant le clivage entre soutien public et privatisation du secteur.

"Le commun des mortels ne sait pas que ça existe", reconnaît auprès de l'AFP Benoist Apparu, ancien ministre du Logement, rappelant qu'il s'agit d'une offre aux locataires "trop riches pour le social et pas assez pour le privé".

M. Apparu dirige depuis sa création en 2017 In'Li, une filiale de logement intermédiaire chez Action Logement, organisme géré paritairement par le patronat et les syndicats.

"Le produit en lui-même est à peu près inconnu", souligne-t-il, son groupe ayant donné en février un premier bilan dépassant ses objectifs initiaux même si l'organisme se donne maintenant plus de temps que prévu pour la suite.

La définition même du logement intermédiaire est floue. Au sens large, il comprend les avantages fiscaux du type Pinel, permettant à un propriétaire particulier de réduire ses impôts en échange de loyers moins chers.

Toutefois, tel qu'il est actuellement entendu, le concept concerne les grands investisseurs, parmi lesquels fonds ou assureurs. Il revient à leur imposer de louer 15% à 20% moins cher que la moyenne du privé en échange d'incitations fiscales, tel qu'inscrit dans la loi depuis 2014.

"Ca a existé dans les années 70, 80, 90: ça ne s'appelait pas comme ça à l'époque, mais ça jouait ce rôle", nuance M. Apparu, expliquant que les grands investisseurs sont sortis en masse du logement au tournant des années 2000 face à un marché devenu cher et moins rentable.

- "Pays de guildes" -

Aujourd'hui, alors que ces investisseurs reviennent progressivement vers le logement, l'intermédiaire émerge même si les chiffres restent minimes par rapport aux quelque 400.000 logements construits chaque année.

En 2017, dernière année pour laquelle le ministère du Logement dispose de chiffres précis, 8.500 logements intermédiaires ont été financés, en progression constante depuis la loi de 2014.

Pourtant, le sujet est rarement évoqué par l'actuel gouvernement, alors qu'il a promulgué l'an dernier une vaste loi sur le logement comprenant quelques dispositions renforçant la place de l'intermédiaire dans les zones dites tendues, là où la demande dépasse le plus l'offre.

Même si M. Apparu juge "plutôt attentif" son successeur, Julien Denormandie, le débat se focalise sur les importantes économies demandées par le gouvernement au monde HLM, qui réclame d'alléger la facture, ou la réduction géographique d'aides à la propriété comme le prêt à taux zéro, qui fâche le monde du bâtiment.

"Personne aujourd'hui ne défend vraiment le logement intermédiaire, il est neuf et il n'est pas représenté dans le champ de pouvoir", avance auprès de l'AFP Vincent Mahé, secrétaire général de CDC Habitat.

Avec Action Logement, cette filiale de la Caisse des Dépôts, bras financier de l'Etat, est l'un des deux grands acteurs du secteur. Elle boucle la clôture d'un fonds de plus d'un milliard d'euros après une première expérience qui a permis de financer quelque 10.000 logements intermédiaires à partir de fonds privés.

"On est un vieux pays de guildes où les choses se font par statut: un logement pas cher, on est convaincu que ça doit être fabriqué par un organisme qui a un statut social par privilège de la loi", regrette M. Mahé.

Reste que le monde du logement social, que M. Mahé juge nettement plus ouvert sur le sujet qu'il y a quelques années, tient à faire la part des choses, comme en témoignent plusieurs acteurs interrogés par l'AFP.

"C'est plus une niche: il y a des territoires où le logement intermédiaire n'a aucun intérêt", relativise auprès de l'AFP Laurent Goyard, directeur général de la fédération des Offices publics de l'habitat (FOPH), organismes HLM dépendant directement de collectivités.

Selon M. Goyard, dont M. Apparu partage l'opinion, le logement intermédiaire n'a d'intérêt que là où il existe un écart marqué entre les prix des HLM et du privé: en premier lieu Paris et l'Île-de-France, ainsi que certaines zones frontalières comme en Haute-Savoie.

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