Confrontés à un plan social, les salariés de Cargill veulent s'inspirer des Goodyear

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Par Antoine POLLEZ - Amiens (AFP)
Publié le 28 janvier 2020 - 17:09
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Me Fiodor Rilob, avocat des salariés de Goodyear, le 28 janvier 2020 à Amiens
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© FRANCOIS LO PRESTI / AFP
Me Fiodor Rilob, avocat des salariés de Goodyear, le 28 janvier 2020 à Amiens
© FRANCOIS LO PRESTI / AFP

"Aller voir comment ça se passe aux prud'hommes, c'est gagnant-gagnant": des salariés de l'usine Cargill d'Haubourdin (Nord), visés par un plan social, se sont rendus mardi à l'audience de départage à Amiens concernant les ex-salariés de Goodyear, autant par "solidarité" que pour "apprendre de leur expérience".

Ils sont plusieurs dizaines dans l'autocar affrété par leur section CGT, qui descend l'autoroute A1 dans la nuit noire : certains ont pris un jour de congé pour l'occasion, d'autres se sont déclarés en grève, d'autres encore terminent tout juste leur service de nuit et profitent du trajet pour dormir une heure ou deux sur les sièges arrière.

Tous s'interrogent sur le sort qui les attend : le groupe Cargill, géant américain des services et produits alimentaires, a annoncé fin novembre la suppression de 183 postes sur 315. Depuis, de nombreux salariés et la CGT, majoritaire, contestent le motif économique mis en avant par la direction, qui affirme qu'une des activités n'est pas rentable. Le groupe, de dimension mondiale, a dégagé en 2019 un résultat net de 2,56 milliards de dollars.

"On a décidé de venir à Amiens pour voir à quelle sauce on va être mangés et pour faire un peu nos armes", explique Dorian Vallois, délégué CGT.

Lui et ses collègues comptent s'inspirer de la lutte "emblématique" menée par les salariés de Goodyear, dont l'usine d'Amiens avait fermé en janvier 2014 : après une longue bataille contre la suppression des emplois, 832 d'entre eux contestent aux prud'hommes le motif économique de leurs licenciements. Dans leurs destins parallèles, les salariés de deux groupes partagent le même avocat, Me Fiodor Rilov.

-"Levier énorme"-

"Sincèrement camarades, ça fait chaud au cœur de vous voir, je suis fier d'être avec vous aujourd'hui", s'exclame Mickael Wamen, figure CGT de la bataille menée par les ex-Goodyear, devant le parc des expositions d'Amiens transformé exceptionnellement pour abriter l'audience.

"Il faut se battre, il faut lutter. Je le dis aux camarades de Cargill, il y a des batailles qui valent le coup d'être menées", les encourage-t-il.

Mais depuis le plan social chez Goodyear, la législation a évolué, notamment avec les "ordonnances Macron" : le périmètre d'appréciation de la cause économique d'un licenciement a été réduit, il se limite désormais à l'échelon national et non plus au niveau du groupe.

"Le code du travail a changé, ok, mais les salariés ont un levier qui est énorme et il faut qu'ils s'en rendent compte, c'est la lutte", confie à l'AFP Mickael Wamen. "S'ils se mettent main dans la main, il faut qu'ils soient conscients de la puissance qu'il peuvent représenter. Ce que nous avons fait, ils peuvent le faire aussi".

-"Entre deux feux"-

Malgré les conditions d'écoute dégradées dans la salle qui fait office de prétoire, les salariés de Cargill se montrent attentifs aux arguments de Me Rilov lors de ses quatre heures de plaidoirie. Ils en sortent déterminés à faire valoir leurs droits, mais également conscient du "marathon" qui les attend.

"Il y a des similitudes avec notre entreprise, on se reconnait dans la sanction imposée de manière lointaine et malgré les bénéfices, les licenciements économiques non justifiés, la structure multinationale et l'optimisation fiscale, le démantèlement de certains sites...", énumère Bruno, un des élus CGT.

"On va en tirer des enseignements mais j'ai le sentiment que ça va être long, quand je vois que ça a pris 5 ans (aux avocats des salariés de Goodyear, ndlr) pour obtenir des documents, ça veut bien dire que pour nous, ça va être compliqué aussi".

"On est pris entre deux feux", conclut Olivier, quinquagénaire, employé depuis 27 ans à l'établissement d'Haubourdin. "Notre avocat peut apporter beaucoup de choses, prouver qu'on pourrait pérenniser le site, mais c'est désormais une affaire juridique. Ca prend du temps et à la fin, ça peut nous détruire nous aussi. Il faut trouver le juste milieu".

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