Coronavirus : à Crépy-en-Valois (Oise), "épicentre de l'attention", perplexité face aux interdictions

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Par Julia PAVESI, avec Thomas BERNARDI et François LO PRESTI - Crépy-en-Valois (France) (AFP)
Publié le 01 mars 2020 - 14:06
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Des gendarmes évacuent les commerçants du marché de Crépy-en-Valois, l'une des communes de l'Oise soumises à des interdictions strictes face au nouveau coronavirus, le 1er mars 2020
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© FRANCOIS LO PRESTI / AFP
Des gendarmes évacuent les commerçants du marché de Crépy-en-Valois, l'une des communes de l'Oise soumises à des interdictions strictes face au nouveau coronavirus, le 1er mars 202
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"C'est tout de même excessif...": sur le petit marché dominical de Crépy-en-Valois, l'une des communes de l'Oise soumises à des interdictions strictes face au nouveau coronavirus, les gendarmes font évacuer marchands et chalands, suscitant la perplexité.

"Nous sommes au grand air, il n'y a pas grand monde. On empêche des gens qui se sont levés à 4h00 du matin pour travailler. C'est tout de même excessif", estime Jean-Marc, 71 ans, béret beige sur la tête. Lui ne se sent "absolument pas" en danger et prend ses précautions, petit flacon de solution hydro-alcoolique dans la poche.

Sur le parking d'une petite galerie commerciale de cette petite ville de 15.000 habitants, une dizaine de commerçants (maraîchers, primeurs, fromager) se sont installés tôt dimanche matin... jusqu’à ce que la police municipale, arrêté communal en main, vienne leur demander de quitter les lieux.

- "Je vais acheter mon pain !" -

"On nous a dit qu'on pouvait venir, alors que sur d'autres marchés, on a été prévenus," s'énerve Wassim, en remballant ses denrées périssables. "Ce sont des produits frais, on va faire les marchés d'autres départements, mais ça ne suffira pas, on va avoir des pertes de plusieurs milliers d'euros".

Pendant que la vingtaine d'acheteurs arrivés à temps terminent leurs emplettes, les gendarmes, venus avec mégaphone, interdisent l'accès au parking. "Vous ne pouvez pas passer", lance l'un d'eux à un homme qui tente un "je vais acheter mon pain". "Même, Monsieur", refuse le membre des forces de l'ordre.

Crépy-en-Valois, à une demi-heure de train de Paris, fait partie des communes du département où "les rassemblements sont interdits jusqu'à nouvel ordre", comme l'a signifié la veille le ministre de la Santé Olivier Véran. Les habitants peuvent encore se déplacer "pour faire leurs courses" mais doivent "éviter" tout déplacement "inutile".

Sur le marché, un autre marchand s'emporte. Un policier tente de lui expliquer que le marché est public, donc soumis à l'arrêté, tandis que le supermarché tout proche est... privé.

Monique Houssa, 84 ans, qui s'est mise sur son 31, trouve l'évacuation du marché "ridicule". "Toutes ces personnes vont aller au supermarché d'à côté, ce seront les mêmes à l'intérieur", soupire-t-elle en choisissant ses pommes. "Il ne faut pas avoir peur, juste prendre ses précautions".

Même attitude pour Nicole, 77 ans. "Mon mari tousse, alors il est resté dans la voiture. Les petits-enfants et arrière-petits-enfants sont quand même venus nous voir... Ils lui ont dit +pépé fait attention, on a encore besoin de toi !+", lance-t-elle dans un sourire.

Les choix des autorités interrogent d'autres habitants: "on ferme les écoles mais demain, on a 5.000 habitants qui vont aller travailler à l'aéroport de Roissy", observe l'un d'eux.

Lundi, ce sont en effet neuf lycées, 10 collèges, 83 écoles qui seront fermés. Cela représente 26.000 élèves qui n'auront pas cours et 1.100 personnels concernés.

- Obsèques en petit comité ? -

"Ici, on est au grand air et demain, je vais travailler à l'usine TWE (fabrication de tissus), ça m'inquiète", poursuit Philippe, qui fait des réserves de nourriture en cas de mise en "quarantaine" de la ville.

Travail à distance impossible aussi pour Georges Conforti, 55 ans, qui doit se déplacer sur les chantiers d'un grand groupe de BTP.

"C'est compliqué pour les employeurs, si ça continue comme ça, on ne va plus pouvoir sortir", prédit-il.

Dimanche à Crépy, c'est aussi jour de messe, annulée, comme dans tout le reste du département. Alors le prêtre de cette ville, devenue "l'épicentre de l'attention" après la mort d'un enseignant de suites de son infection au nouveau coronavirus, a célébré l'officie religieux seul dans la chapelle de la maison paroissiale, avec "une pensée" pour "les personnes infectées et les malades dans les hôpitaux, qui auront moins de visites".

"On a trois cérémonies d'obsèques prévues cette semaine, on ignore si elles devront se faire en petit comité ou si elles pourront avoir lieu avec l'ensemble des proches", s'interroge le curé de la paroisse Saint-Sébastien, Guillaume Deveaux. "La perte d'un proche, c'est un moment symbolique, c'est important que tous puissent être là."

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