Cyrulnik : "Un enfant qui s'épanouit en maternelle est bien parti dans l'existence"

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Par AFP - Paris
Publié le 26 mars 2018 - 18:50
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Boris Cyrulnik, le 30 janvier 2017 à Bogota
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© Luis Acosta / AFP
Boris Cyrulnik, le 30 janvier 2017 à Bogota
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Le neuropsychiatre Boris Cyrulnik a été chargé par le ministre de l'Education de préparer les "assises de la maternelle", qui s'ouvrent mardi à Paris en présence d'Emmanuel Macron. Pour ce spécialiste de la petite enfance, l'école doit apporter plus de sécurité affective.

Q: Pourquoi de telles assises ?

R: La maternelle française est très bonne, elle sert d'ailleurs encore de modèle à beaucoup de pays mais deux facteurs nouveaux sont apparus depuis 15-20 ans qu'il faut maintenant prendre en compte. En une génération, le développement neurologique, psychologique, affectif des enfants est devenu beaucoup plus rapide qu'avant. Les filles, notamment, ont une maturité plus précoce. Les enfants qui entrent à l'école ne sont plus les mêmes qu'avant.

Par ailleurs, "la niche sensorielle" des enfants a changé, c'est-à-dire leur environnement: aujourd'hui, les enfants ne sont plus entourés de la même façon qu'avant, notamment par leurs parents, qui pour la plupart travaillent. Ce sont donc aussi aux crèches et à l'école de créer l'attachement qui va permettre aux enfants de se sentir +sécurisés+ et de pouvoir entrer pleinement dans les apprentissages.

Q: Ces assises mettent l'accent sur le langage et le bien-être des enfants qui étaient justement au cœur de la révision des programmes en 2015. Veut-on revenir sur ces priorités ?

R: Non, au contraire. Grâce à la neuro-imagerie, on a découvert que le théâtre, le jeu, la musique stimulaient le cerveau, amélioraient l'accès au langage. Le fait de renforcer de telles pratiques pourraient aider les enfants à progresser dans leur maîtrise de la parole, entraîner leurs habilités relationnelles, ou encore renforcer leur socialisation.

Et même si des progrès ont été faits, il faut en France insister sur l'importance de l'affect: quand on parle, quand on joue, quand on se familiarise avec des enfants, on développe une relation affective qui permet ensuite de stimuler tous les autres apprentissages.

Si un professeur des écoles est rigide, il inhibe le développement de l'enfant. Or on ne peut rien transmettre, ou difficilement, à un enfant inhibé ou malheureux.

Si à l'inverse, le professeur est plus souple, par son comportement ou sa formation, cela permet à l'enfant de renforcer les apprentissages. Et un enfant qui s'épanouit à la maternelle est bien parti dans l'existence.

Q: Faut-il donc revoir les formations des professeurs des écoles ?

R: C'est un point central. Les professeurs des écoles ont un bon niveau universitaire mais qui n'est pas toujours adapté à la fonction sécurisante qu'ils doivent offrir aux enfants. Certains ont même un doctorat. Cela ne leur permet pas pour autant d'apprendre à un enfant qui arrive en maternelle à s'adapter à l'école.

Il faut aussi revoir sans doute la formation des Atsem (agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, qui aident les instits dans les classes, ndlr). Elles - car il s'agit quasiment toujours de femmes - servent de médiation entre l'enfant, la famille et les professeurs. Quand quelque chose ne va pas, elles sont souvent les premières à s'en apercevoir car ce sont vers elles que se tournent les enfants. Elles jouent un rôle crucial. Il faut donc leur donner une formation adaptée, pouvoir leur enseigner à elles-aussi les théories de l'attachement.

Il faudrait aussi inviter les familles dans l'école, pour expliquer aux parents comment ils peuvent donner confiance à leurs enfants.

Propos recueillis par Isabelle TOURNÉ

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