Dans un Ehpad de Bourbourg, des "retrouvailles intimes" dans une bulle gonflable

Auteur:
 
Par Elia VAISSIERE - Bourbourg (France) (AFP)
Publié le 26 mai 2020 - 09:36
Image
Nathalie rend visite à son mari dans la bulle gonflable testée par l'Ehpad de Bourbourg, le 25 mai 2020
Crédits
© DENIS CHARLET / AFP
Nathalie rend visite à son mari dans la bulle gonflable testée par l'Ehpad de Bourbourg, le 25 mai 2020
© DENIS CHARLET / AFP

"Tu vois, je suis avec toi...", susurre Nathalie, caressant la paume de son mari Joseph derrière une fine paroi de plastique. Dans un Ehpad de Bourbourg (Nord), une étonnante bulle gonflable accueille désormais les familles, permettant des retrouvailles "intimes, sans risque".

En observant le jardin, "on croit avoir changé de planète", plaisante un résident à sa fenêtre, au premier étage de la fondation Schadet-Vercoustre. Sur la pelouse, la sphère beige de près de trois mètres de haut, flanquée de sas gonflables en forme de cylindres, évoque un abri d'astronaute.

Inaugurée vendredi, cette structure innovante imaginée par la société BubbleTree "est une bulle de bonheur, une pièce où les familles se sentent vraiment ensemble, séparées seulement par une paroi souple et totalement transparente" de 30/100e de mm d'épaisseur, explique Audrey Bernard, directrice de cet établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.

Pour ces couples, parents, enfants et petits-enfants séparés à cause du coronavirus et des mesures sanitaires imposées aux aînés fragiles, "cette innovation est un soulagement", explique-t-elle.

Confinés dans leurs chambres, "les résidents souffraient beaucoup" et plusieurs "se laissaient mourir, cessaient de s'alimenter, ne trouvant plus de sens à la vie..."

Lorsque le gouvernement a réautorisé des visites fin avril dans un cadre extrêmement limité, la fondation les a d'abord organisées "à travers les fenêtres du restaurant, depuis la rue", avant d'équiper son sas vitré.

Mais "les gens ne s'entendaient pas, beaucoup se fâchaient. Aujourd'hui, avec cette bulle qui répercute les sons vers l'intérieur, ils se parlent, se voient sans masque et se touchent presque", se réjouit Audrey qui a vu, émue, un couple s'embrasser à travers la paroi.

"Tu sens ? C'est fou, on sent la chaleur de la peau ! Ah, lui aussi il veut te rejoindre !", s'émeut Nathalie Szczepaniak, dont le chien Valco tente en vain de percer le plastique pour sauter sur les genoux de son maître. Les yeux brillants, Joseph semble rire.

"C'est génial, gé-nial! Il ne voit même pas le plastique. Et je l'ai vu sourire, une chose que je ne voyais plus...", raconte, radieuse, Nathalie.

Après une désinfection totale de la structure, une animatrice emmène une septuagénaire dans l'un des sas, sa fille et sa petite-fille entrant par l'autre côté. En quelques minutes, elles se mettent à chanter ensemble.

- Isolement bactériologique -

"Nous avons voulu redonner une dimension humaine à une situation totalement inhumaine, tout en garantissant la sécurité, la non-communication de quelque charge virale que ce soit", explique à l'AFP le patron de BubbleTree Pierre-Stéphane Dumas.

L'entreprise, spécialisée dans les "bulles d'hébergement" touristiques, avait "déjà développé des solutions pour les personnes à mobilité réduite, destinées à l'accueil du public et répondant à toutes les normes sanitaires et techniques".

Lui-même séparé d'une tante âgée, M. Dumas a imaginé le concept et "pris sur ses fonds propres" pour développer un prototype et le proposer il y a deux semaines à de nombreuses maisons de retraite, avec l'aide de la communauté urbaine de Dunkerque.

Montée dans ses ateliers de Wormhout (Nord), Nanterre et en Bourgogne, la structure "permet un isolement bactériologique total, avec zéro échange d'air d'un volume à l'autre", assure-t-il. Une "première mondiale".

A Bourbourg, elle est "mise à disposition gratuitement pour au moins deux semaines", avec l'idée de "tester le ressenti des familles" et de l'améliorer.

"Nous pourrons ensuite en fabriquer plusieurs par semaine pour équiper les Ehpad", promet-il, assurant que plusieurs ont déjà manifesté leur intérêt.

Mais il faudra "trouver des financements" et réduire les coûts. Car, avec une "tonne de matériel", un "plancher qui résiste au vent, à l'humidité, une installation électrique aux normes", la bulle coûte aujourd'hui "entre 7.500 et 10.000 euros".

"C'est un budget important", reconnaît Audrey Bernard. Mais "si les mesures de confinement restent dans la durée", il faudra préserver "ce regain de vie, cette énergie retrouvée".

Dans son Ehpad, il y a six à huit visites par jour, de 30 à 45 minutes chacune et il y a déjà une liste d'attente pour la semaine prochaine.

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
Castex
Jean Castex, espèce de “couteau suisse” déconfiné, dont l'accent a pu prêter à la bonhomie
PORTRAIT CRACHE - Longtemps dans l’ombre, à l’Elysée et à Matignon, Jean Castex est apparu comme tout droit venu de son Gers natal, à la façon d’un diable sorti de sa ...
13 avril 2024 - 15:36
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.