Dans un Ehpad toulousain, le contact se renoue avec les proches

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Par Catherine BOITARD - Toulouse (AFP)
Publié le 22 avril 2020 - 10:45
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Premières visites dans un Ehpad toulousain, le 21 avril 2020, après l'autorisation donnée par le gouvernement
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© Lionel BONAVENTURE / AFP
Premières visites dans un Ehpad toulousain, le 21 avril 2020, après l'autorisation donnée par le gouvernement
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"Je lui ai expliqué comment ça se passe, pour nos vies, les enfants, elle était curieuse": "émue" et "rassurée", Françoise vient de retrouver sa mère de 89 ans pour la première fois depuis le 8 mars à l'entrée de l'Ehpad toulousain qui l'accueille.

"Très touchée" par l'épidémie du fait notamment de son ancien métier, cette médecin réanimatrice à la retraite attendait avec "impatience" ces retrouvailles: les contacts, maintenus grâce au personnel, par téléphone ou par skype avec sa mère Jacqueline, souffrant de troubles cognitifs, étaient "compliqués et frustrants".

"Elle était contente, se voir physiquement ça change tout, même si les sorties pour venir chez nous lui manquent", relève cette sexagénaire. Grand-mère, Françoise avoue elle-même "souffrir beaucoup" de ne plus pouvoir recevoir, "toucher" ses petits-enfants.

Sa visite est la deuxième que la maison de retraite de Tibaous a pu organiser dès mardi, avec déjà une "longue liste d'attente", indique sa directrice, Madeleine Vidal-Llorente. "Les résidents sont très demandeurs, un monsieur s'est mis à pleurer quand il a compris qu'il allait pouvoir revoir sa fille".

L'établissement avait pris de l'avance en vue du déconfinement, en demandant à une PME locale Usipanel, qui s'est fait connaître par la création de vitres anti-postillons destinées aux voitures, de concevoir un parloir sécurisé.

- "Flou" -

"Cela nous a permis d'être prêts quand le Premier ministre a annoncé dimanche, sans que personne ne s'y attende" le rétablissement d'un droit de visite pour les familles, relève Mme Vidal-Llorente. Qui voit dans le procédé une nouvelle manifestation du "flou" dans lequel les Ehpad sont laissés pour gérer la crise du Covid, au prix "d'énormes responsabilités et pressions".

Le sien, qui a pu tester tous ses soignants et résidents, ne déplore jusque là aucun cas, après la mise en place fin janvier du plan anti-grippe, limitant déjà la contacts, puis d'un confinement en chambre individuelle d'une dizaine de jours.

Il a été levé début avril après les dépistages, "heureusement car on sentait un glissement", parmi les résidents, avec des "accès de déprime, de manque d'appétit, un renfermement", relève la directrice.

Si elle n'en a pas été la cause, l’épidémie a aussi compliqué la prise en charge de deux décès survenus dans l'établissement. "Nous avons pu dans le premier cas permettre à la fille de voir sa mère morte, et dans le second, anticiper, organiser des adieux, mais c'est difficile pour les familles, qui d'habitude veulent revoir les lieux, les gens ayant entouré leurs proches".

- La porte rouverte au virus? -

"Ici, on ne peut pas se plaindre de la prise en charge", salue Corinne Fornairon, une femme au foyer de 59 ans qui a inauguré le parloir avec sa mère de 83 ans, souffrant d'Alzheimer. "Elle m'a reconnue, son état ne s'est pas aggravé", sourit-elle.

Le dispositif pour les visites reste toutefois contraignant: dans le sas vitré installé dans l'entrée, les échanges, limités à une vingtaine de minutes, se font à travers une vitre percée d'hygiaphones.

"Faire rentrer les gens serait ouvrir la porte au virus, ce serait ruiner tous nos efforts, et sans vitre de séparation, il faudrait toujours veiller à empêcher les contacts, les embrassades", pointe la directrice. Elle s'interrompt pour faire rentrer une vieille dame sortie en catimini dans son dos.

D'autres Ehpad sont intéressés par ce modèle de parloir, en voie d'homologation, constate Pierre Chantriaux, 29 ans, cofondateur d'Usipanel avec son frère.

Car proches comme responsables, tous ont bien conscience que la crise est loin d'être finie.

La directrice s'avoue "inquiète du déconfinement progressif, avec le risque d'une deuxième vague" après le 11 mai. "Les salariés ont des enfants, moi-même j'ai deux ados, dit-elle, qui nous garantira que tout ira bien avec la reprise scolaire ?"

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