De l'antimilitarisme à la Légion, le Larzac tourne une page

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Par Catherine BOITARD - La Cavalerie (France) (AFP)
Publié le 22 février 2019 - 14:19
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"Par deux fois le camp a revitalisé la région, d'abord c'était contre lui, et maintenant grâce à lui": maire de La Cavalerie, François Rodriguez s'amuse de l'ironie de l'histoire de son village du Larzac (Aveyron), où la Légion étrangère a désormais ses quartiers.

Haut lieu à la fin des années 70 d'une révolte anti-militariste qui a fait souffler un vent libertaire et affluer des néo-ruraux, le plateau aveyronnais et son camp situé en bordure de La Cavalerie accueille depuis fin 2018 quelque 1.300 personnels de la 13ème DBLE (demi-brigade de Légion étrangère).

Une aubaine, selon les élus de la région. Avant cette implantation entamée en 2016, dans le cadre du renforcement de la réponse anti-terroriste française, le camp de 3.000 hectares, abritant un centre de tir de l'infanterie et quelque 200 militaires, était voué à la fermeture.

Toutes étiquettes confondues, les responsables politiques ont soutenu l'opération, au nom des retombées économiques et démographiques pour une région rurale et vieillissante. Même l'enfant adoptif du pays devenu eurodéputé écologiste, José Bové, a avalisé, au grand dam des irréductibles opposants.

Selon une étude de l'Insee commanditée par l'armée, l'arrivée des légionnaires a généré jusqu'à 360 emplois locaux, tandis que 22 millions d'euros de marchés ont été confiés à des entreprises locales. Et les investissements, 150 millions d'euros au total, doivent courir jusqu'à 2023.

- "Coexistence pacifique" -

Surtout, se félicite le président du Conseil départemental, François Galliard (UDI), la Légion amène du sang jeune et neuf. Le colonel Jacques Bouffard, qui commande le camp, dénombre quelque 300 familles comptant 500 enfants.

De quoi débloquer la construction d'un collège et gonfler les effectifs de l'école du village. La maternité de Millau, la ville la plus proche, y a aussi gagné "30 naissances de plus en 2018" selon son administrateur, Didier Bourdon.

Reste que pour l'éleveur à la retraite Léon Maillé, vétéran à 75 ans de la mobilisation contre l'extension du camp, "la Légion sur le Larzac c'est aussi stupide qu'un bordel à Lourdes".

"Ce sont deux mondes complètement différents", juge-t-il, allant jusqu’à plaindre les légionnaires, "des gens un peu paumés" -- sur le Larzac ils alignent 100 nationalités -- et leurs compagnes, "pour qui ce ne doit pas être marrant ici".

Mais plus question d'appeler à la révolte, puisque depuis le coup d'arrêt donné en 1981 au projet d'agrandissement, l'armée n'entend plus gagner sur les terres paysannes.

"On comprend bien que pour ceux qui vivent du camp c'est important", convient Léon Maillé. L'heure est donc à la "coexistence pacifique à condition que chacun reste chez soi", en clair que les képis blancs -- notamment engagés en 2018 au Mali et dans l'opération Sentinelle -- ne transforment pas toute la zone en terrain d'exercice.

- La fin d'un "mythe" -

"Nous avons trouvé un modus vivendi", se prévaut le colonel Bouffard, qui s'affirme conscient que la présence de la Légion "peut blesser".

Il a projeté à ses troupes le documentaire "Tous au Larzac" de Christian Rouaud retraçant la geste subversive du lieu et a donné consigne d'éviter le flanc nord du camp, proche des fermes des opposants historiques.

Pour éviter les écarts de conduite, la police militaire patrouille aussi dans la zone, tandis qu'un numéro de téléphone a été fourni aux commerçants pour alerter si nécessaire le camp.

"Il n'y a aucun problème recensé", affirme l'adjoint au maire, Jean-Michel Monbelli-Valloir, qui joue les agents de liaison. Pour ce militaire à la retraite, qui a commandé le camp de 2004 à 2006, le rapatriement de la 13ème DBLE, jusque là basée aux Émirats Arabes Unis après Djibouti a été "bien anticipé".

La lutte du Larzac "a appris aux responsables à respecter les paysans", tire comme leçon le maire.

Campant sur une opposition radicale, dont il reconnaît toutefois l'échec à mobiliser, Joseph Pineau juge que l'installation de la Légion a été "assénée comme un coup de massue" sur le plateau, portée par "un revanchisme de la droite et de l'armée".

"Cela a cassé le mythe" du Larzac, déplore ce Vendéen installé sur place en 1977. Mais si "l'anti-militarisme a subi ici une défaite cuisante, l'anti-système perdure", tempère-t-il.

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